mercredi 25 juillet 2012

Droit de grève dans les services publics : le service minimum existe-t-il ?


La jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'État définit la grève comme étant une cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles. Le droit de grève est énoncé dans le préambule de la constitution. La loi ne peut le supprimer, ni le dénaturer. Mais selon la Constitution elle-même, ce n’est pas un droit absolu, il comporte des limites, notamment en ce qui concerne le service public.
En effet la notion de grève dans les services publics, [définie comme toute activité destinée à satisfaire à un besoin d’intérêt général et qui, en tant que telle, doit être assurée ou contrôlée par l’administration], a suscité pendant longtemps l’hostilité et les controverses les plus animées. Et pourtant, certaines évolutions jurisprudentielles ont eu lieu depuis la fin des années 1970.  Ces dernières ont abouties dans certains cas, à la création d’un service minimum, c'est-à-dire à toutes les missions que le service doit continuer d’assurer en cas de grève.
Il reste néanmoins difficile de concilier le principe de continuité des services publics avec le droit de grève. C’est pourquoi la question reste actuelle : existe-il réellement un service minimum en cas de grève dans la fonction publique ?
Après avoir mis en évidence les principes et la mise en place du service minimum dans la fonction publique, nous nous attacherons à la position de chacun des trois protagonistes des grèves publiques, à savoir l’Etat, les syndicats et les destinataires. Puis nous étudierons le service minimum de quelques pays européens.



I-             Service minimum dans les services publics : principes et mise en place
En raison des tâches essentielles de l'Etat, le droit de grève est placé sous un régime particulier dans la fonction publique. Ainsi, certains fonctionnaires ne peuvent faire grève tandis que d'autres se voient imposer un système de service minimum.

1)    Champs d’application de la grève dans les services publics

La grève dans les services publics concerne :

-                     les personnes civiles de l’Etat, des départements, des communes de 10 000 habitants.
-                     les personnels des entreprises ou organismes publics ou privés lorsqu’ils sont chargés de la gestion d’un service public (L 521-2)
-                     les fonctionnaires (Etat+collectivités territoriales)
-                     RATP – SNCF – Air Inter (1) – CEA (2)
-                     les petites entreprises privées de transport scolaire assurant localement la gestion d’un service public.

La grève est un droit organique, c'est-à-dire que seuls sont les syndicats représentatifs peuvent déclencher une grève, sinon la grève est illicite. Par ailleurs, la grève surprise est interdite. Les fonctionnaires doivent impérativement, avant la date de la grève envisagée, déposer un préavis de grève. Ce dépôt doit préciser les motifs de recours à la grève et doit être déposé au minimum 5 jours avant le déclenchement du mouvement. Il a deux buts : éviter le conflit et prévenir les usagers du service public.
Enfin, La loi prévoit que les administrations peuvent réquisitionner un certain nombre de fonctionnaires en cas de nécessité pour assurer la continuité des services.

(1) Air Inter est une compagnie aérienne française qui a fusionné avec Air France en 1997
(2) Le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) est un organisme public de recherche dans les domaines de l'énergie, de la défense et des technologies de l'information et de la santé.



2)    Cas où la grève est interdite dans les services publics

Des textes de nature législative ont privé certains fonctionnaires du droit de grève. Le fait pour eux de s’engager dans une grève, les expose à des sanctions lourdes.
-               Il s’agit : des CRS (loi du 17 décembre 1947), des policiers (loi du 28 septembre 1948), des gardiens de prison (ordonnance du 5 août 1958), des personnels de transmission du ministère de l’intérieur (loi du 31 juillet 1968), et des militaires (loi du 13 juillet 1972).

Par ailleurs, on peut ajouter que les grèves perlées et tournantes sont interdites (L521 – 4).
Mais dans certaines hypothèses, sans priver les fonctionnaires concernés du droit de grève, des textes ont prévu des « services minimums » (aujourd’hui plutôt appelés « services garantis ».

3)    Mise en place d’un service minimum en cas de grève 

Le service minimum consiste dans la possibilité pour l’administrateur d’imposer, en cas de grève, le maintien d’une certaine activité du service.
-               Il en va ainsi en matière de radio et de télévision (loi du 30 septembre 1986), et en matière de contrôle de la navigation aérienne (loi du 31 décembre 1984).
-               De la même façon, il est prévu que les directeurs des écoles maternelles et primaires doivent, en cas de grève, assurer l’accueil des élèves (décret du 18 mars 1981).
-               Des restrictions du même ordre existent dans le cas des receveurs et chefs de centres postaux (CE, 1er juin 1984), de même que dans celui des greffiers (CE, 21 décembre 1977).

Ces restrictions ont été introduites par les autorités hiérarchiques en 1950. En effet, le Conseil d’Etat a admis dans l’arrêt « Dehaene » de 1950 (on fait désormais référence à la jurisprudence Dehaene), qu’en l’absence d’une législation générale du droit de grève dans la fonction publique, le gouvernement pouvait apporter des limitations à ce droit. Par la suite, le juge administratif a élargi cette solution en admettant que le pouvoir de limiter de leurs personnels appartenait à toutes les autorités hiérarchiques : ministres, maires, directeurs d’établissement publics et directeurs d’hôpitaux, etc. Le Conseil d’Etat réaffirme régulièrement ce principe bien qu’il soit anticonstitutionnel.

Pour autant ce pouvoir de limitation ne peut pas être utilisé n’importe comment. Les mesures prises doivent avoir pour but : de préserver la sécurité des personnes ou des locaux, ou de maintenir l’ordre public, ou d’assurer la continuité des services essentiels comme les communications, les transports…Elles ne peuvent en aucun cas être un moyen d’assurer la continuité « normale » des services publics. Service minimum oui, service normal non !
Enfin, dans certains secteurs, le droit de grève reste généralement « absolu » dans la mesure où ce ne sont pas des secteurs liés à la sécurité ou à l’ordre. Il s’agit notamment des services de sécurité sociale.

II-           Cas des transports public

Aujourd’hui en France, les grèves restent très médiatisées, en particulier celles des transports publics SNCF et RATP.
Elles touchent un grand nombre de citoyens, particulièrement ceux qui utilisent chaque jour les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail.
La mis en place d’un service minimum garanti dans les transports publics a donc fait l’objet d’un réel débat ces derniers temps. Mais c’est aussi un rapport de forces entre le gouvernement plutôt favorable à cette mesure et les syndicats qui de manière générale dénoncent une atteinte au droit de grève.

1)     Quelles sont les motivations pour la mis en place d’un service minimum garanti dans les transports publics ?

En France, le service public des transports collectifs devient de plus en plus vital pour le fonctionnement du pays. Pourtant, c’est un secteur dans lequel les grèves sont les plus fréquentes.
Cependant aucune disposition particulière n’oblige aujourd’hui les opérateurs à se soumettre à l’obligation de continuité en cas de grève.

a) Pourquoi le gouvernement souhaiterait il mettre en place un service minimum      garantie pendant les périodes de grève dans les transports publics ?

-              Beaucoup de citoyens français sont usagers et utilisent les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail. Ils associent transports publics et grèves au détriment de leur développement, car chaque grève rend les conditions de circulation difficiles.
-              La population serait plutôt favorable à la mis en place d’un service minimum garantie. En effet, un sondage IFOP, réalisé en janvier 2005, montre que sur un échantillon de 1000 personnes, 65 % se disait favorable à la mise en place d’un tel service.
-              Le gouvernement encourage la population à emprunter au maximum les transports publics dans un but de réduire la pollution et assurer une meilleure qualité de vies dans les grandes agglomérations envahies par la pollution sonore des automobiles, l’Etat défend l’importance et le rôle particulier des services publics dans le bon fonctionnement de la société en particulier urbaine. Il a du mal à être crédible du fait des grèves à répétition dans ce secteur.
-              Les transports publics en France ont une mauvaise image dans le monde dû aux grèves à répétition dans ce secteur.

C’est dans ce contexte qu’un rapport sur la continuité du service public dans les transports terrestre de voyageurs avait été remis le 21 juillet 2004 sur la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageur.

b) Le rapport Mandelkern

Ce rapport, rendu en juillet 2004 au ministre des transports a été rédigé par une commission composée d’experts. Il propose un dispositif permettant d’assurer la continuité du service public des transports en cas de grève.

-              Une obligation préalable de négociation
à La période de négociation durant les cinq jours de préavis n’aboutit en général qu’à un désaccord formel entre l’organisation patronale et syndicale. 
Une période de 7 jours serait mise en place réservée exclusivement à la négociation entre les parties.

-              L’allongement de la durée du préavis
à Un préavis qui passerait de 5 à 10 jours.
7 jours seraient consacrés à la négociation uniquement. Si un désaccord persiste au terme de ces 7 jours, un préavis de 3 jours, serait de nouveau mis en place pour préparer un service possible (service minimum) et informer les usagers.

-              Fiabilité du service en cas de grève.
à Obligation des salariés à déclarer de manière individuelle leur attention de participer à la grève. Cette déclaration devra de faire 48 heures à l’avance. Il s’agit de faire part d’une décision de participer à la grève après que la négociation a eu lieu.

-              Une garantie de service
à Si la grève a lieu, un service minimum garanti devra être mis en place. Les agents non grévistes seront mobilisés pour assurer ce service minimum. Des agents grévistes peuvent également être mobilisés même si ils doivent accomplir qu’une fraction de leur tache habituelle.

-              Informer les usagers
à Garantir un service préalable et gratuit des usagers sur le service assuré en cas de grève.

Ce rapport a été rédigé dans le but d’améliorer le climat de malaise social qui règne dans le domaine des transports.
Il a deux objectifs : désamorcer un conflit en cas de préavis de grève et permettre d’assurer un service minimum en cas d’échec des négociations préalables.
Mais ce rapport ne fait pas l’unanimité selon les membres du gouvernement ou les membres des organisations syndicales.

2)    L’enjeu d’une loi sur la mis en place d’un service

a) Le ministère des transports

Le ministre des transports, Gilles de Robien (gouvernement Raffarin), avait émis un avis favorable au rapport Mandelkern. En décembre 2003, il annonçait devant l’Assemblée nationale sa volonté de donner la priorité à la prévention des conflits sociaux et mettre en place, par une loi déterminée, un certain niveau de service pour qu’une partie des transports fonctionne même s’il y a grève.
Cependant, suite à ce rapport, il s’est dit prêt à négocier avec les partenaires sociaux afin de trouver un accord permettant de mettre en place ce dispositif d’alarme sociale et de service garanti.
Par ailleurs, pour l’actuel ministre des Transports, de l'Équipement, Dominique Perben, la mise en place d’une garantie de service ne remet nullement en cause le droit de grève. En effet, il implique avant tout les directions d'entreprises, qui s'engagent, par un effort d'organisation, à offrir le meilleur niveau de service possible en cas de conflit, en optimisant l'activité du personnel non gréviste.

b) Les organisations syndicales. (CGT, FO, CFDT, CFTC, Unsa, CFE-CGC, Sud-Rail et Fgaac)

La position des syndicats reste controversée sur la mise en place d’un service minimum garanti et sur les différents points du rapport Mandelkern.

-          FO (force Ouvrière) : la proposition d’obliger chaque salarié d’une entreprise publique de transport à se déclarer individuellement gréviste, 48 heures avant le conflit est une atteinte à la liberté collective et individuelle. C’est aussi une forme de pression sur les salariés.

-          CGT : selon Didier Le Reste, secrétaire général de la CGT cheminots, le service minimum n’est pas une priorité en soi. Celui-ci a, selon lui, pour «vocation de casser la capacité de mobilisation des cheminots face à des choix qui leur paraissent contraires à l’intérêt général ».

-          Il s’agit donc d’une stratégie du gouvernement pour diminuer les effets de la grève. C’est aussi une atteinte au droit de grève.
-          Même si la CGT reste favorable à d’avantage de dialogue, elle reste contre une loi qui obligerait les syndicats à négocier.

-          CFTC : Elle n'a jamais été favorable à l'appel à la grève systématique qui pour elle est préjudiciable pour les usagers du service public. Mais l'instauration d'un service minimum reste inconciliable avec le respect du droit de grève.
-          Cependant elle reste favorable à la négociation et au rallongement du préavis de 5 à 10 jours.

-          CFDT : se dit contre instauration d’une loi l’obligeant les parties à négocier des dispositions « le dialogue social ne se décrète pas. Il résulte d’une volonté partagée d’en faire un outil au service du développement des entreprises et de l’amélioration du service rendu. »

Par ailleurs, la mise en place d’une loi imposant un service minimum resterait inopérante et s’exercerait de manière contre productive puisque des agents grévistes pourraient être mobilisés pour travailler.

Tous les partis syndicaux s’accordent néanmoins sur un point : favoriser une plus grande négociation.
C’est dans ce climat que le ministre des transports, Gilles de Robien, a privilégié la   négociation avec les syndicats afin de parvenir à un accord plutôt que d’adopter une loi qui aurait été mal perçue par les partenaires sociaux.

3)    Un nouvel accord pour une meilleure prévention des conflits.

a)    Signature de l’accord du 28 octobre 2004

Cet accord porte sur l’amélioration du dialogue social et sur la prévention des conflits à la SNCF.
La CFDT Cheminots a d’abord été à l'origine des négociations.
Un accord a finalement été signé par la direction de la SNCF et 6 organisations syndicales : CFDT, l’Unsa, la CFTC, la Fgaac, CFE-CGC et même la CGT.
Seuls SUD et FO ont décidé de ne pas ratifier un tel accord.

Les syndicats soutiennent qu’un tel accord est nécessaire afin apporter une réelle amélioration du dialogue social et des conditions de transport des usagers.
Mais il s’agit aussi de dissuader le gouvernement de faire passer une loi sur le service minimum.



b)    Contenu de l’accord du 28 octobre 2004

-              Prévenir le conflit :
-              à La grève est considérée comme le recours ultime.
-              La période de préavis égale à cinq jours est remplacée par une période de concertation.
-              Dans un premier temps, les syndicats pourront demander une concertation immédiate. Temps pendant lequel les syndicats pourront aviser la direction d’un problème ou d’un différent particulier. Suite à cette concertation des réunions pourront être organisées afin de finaliser une solution.
-              Le temps global de concertation peut s’étaler sur une période dix jours ouvrables.
-              améliorer la prévisibilité du service
-              à En cas d’échec des négociations à l’issu de la période de négociation, un délai de prévenance de 24 H sera déclenché afin qu’un plan de transport soit organisé.
-              Ce plan de transport sera porté à la connaissance des organisations syndicales qui pourront donner un avis puis seront portés à la connaissance des usagers.
-              Améliorer le dialogue social
à Avant et pendant le déclenchement de la grève, le directeur d’établissement et le responsable des ressources humaines seront les acteurs privilégiés de la négociation avec les syndicats et seront maintenus à leur poste pour une période d’au moins 3 ans afin d’instaurer une relation de confiance avec les partenaires sociaux.

c)    Vers l’instauration d’un service minimum ?

On a vu que jusqu’à là, la priorité était donnée à la prévention du conflit.
Des accords ont été signé afin d’éviter des grèves considérées comme ultime recours.
Aujourd’hui, aucunes dispositions légales n’existent visant à instaurer un service minimum garanti.
Le service minimum repose sur la mobilisation des agents non grévistes.

Cependant les dernières grèves à la SNCF ont fait l’objet de guerre entre les syndicats. Ces dernières s'expliquent par la surenchère que les syndicats pratiquent entre eux pour gagner ces élections.
On peut donc voir en quoi l’accord tient ses limites dans la mesure où les grèves ne répondent plus réellement à des revendications concrètes et immédiates.
Le gouvernement reste dans une position délicate car l’instauration d’un service minimum permettrait de satisfaire les usagers, néanmoins une loi instaurant un service minimum garantie provoquerait un désaccord unanime du côté des organisations syndicales.

On peut se demander dans quelle mesure les autres pays européen ont mis en place le service minimum dans les services publics.

III-         Le service minimum dans les pays européens.


Tous les pays qui reconnaissent le droit de grève se trouvent confrontés au même problème à savoir : Comment concilier ce droit avec la nécessité d’assurer la continuité de certains services considérés comme essentiels ?
C’est pourquoi on constate que dans de nombreux pays le droit de grève est interdit dans certains services publics comme par exemple chez les militaires.
Certains de nos voisins européens ont étendu cette interdiction aux magistrats (en Espagne) où encore à l’ensemble des fonctionnaires (en Allemagne).
Tout au long de cette partie nous allons donc voir comment le problème de service minimum est-il traité par plusieurs pays membres de la communauté européenne.
Nous allons voir tout d’abord que la notion de service essentiel est tout à fait reconnue en prenant comme exemple l’Italie, le Portugal, le Royaume-Uni, l’Espagne et enfin l’Allemagne.
Nous nous attarderons ensuite sur le cas du Royaume-Uni ainsi que des autres pays face à l’instauration de ce service.
Enfin nous terminerons en analysant comme ce service minimum est-il négocié avec les partenaires sociaux.





1)    Le service essentiel unanimement reconnue

a)                                           Par la législation 

-                     L’Italie, qui a spécifiquement légiféré sur le droit de grève dans les services publics essentiels, les définit comme « ayant pour objet de garantir la jouissance des droits de l personne protégés par la constitution ».
-                     Au Portugal, il s’agit des «entreprises ou établissements dont l’activité a pour but de satisfaire des besoins sociaux absolument nécessaires ».
-                     Au Royaume-Uni, la loi qui permet d’organiser la réquisition évoque la nécessité « d’assurer à la communauté ce qui est essentiel à la vie ».

b)  La jurisprudence     

-                     En Espagne, c’est le Tribunal Constitutionnel qui a délimité la notion de services essentiels, mentionné par la constitution. Le tribunal l’a fait en prenant en compte la seule nécessité de « protéger les intérêts des usagers ».
-                     En Allemagne, le Tribunal Fédéral du Travail insiste sur la nécessité de préserver les « intérêts vitaux de la population ».

2)    L’instauration du service minimum

a) Le cas du Royaume-Uni

Il n’existe aucune réglementation relative au service minimum dans les services publics, et les seuls moyens d’en assurer la continuité sont la limitation légale générale du recours à la grève et la réquisition.
Cette limitation au recours à la grève a notamment permis de faire chuter le nombre des grèves de façon spectaculaire dans les années 1980.
On constate cependant depuis les années 1996 que ce nombre à considérablement augmenter ce qui a conduit le gouvernement à envisager une réforme pour restreindre les grèves dans les services essentiel, ainsi que dans les services disposant d’un quasi monopole.
Le gouvernement Britannique avait alors suggéré de permettre à toute personne d’engager des poursuites contre les syndicats en cas de grève dont les effets auraient été « disproportionnés où excessifs ».

b) Exemples de plusieurs pays Européens

-                     En Allemagne : c’est la jurisprudence qui a codifié le droit de grève. Le Tribunal Fédéral du Travail estime que : «à la différence des fonctionnaires qui n’ont pas le droit de grève, les agents des services publics sous contrat de droit privé peuvent faire grève à condition de ne pas léser indûment les intérêts vitaux de la population et de veiller, en cas de grève, à ce que les mesures de protection indispensables soient assurés ». Aucune loi ne prévoit un service minimum, en théorie les services publics, comme les transports peuvent être totalement paralysés.

-                     La constitution Espagnole, exige en cas de grève, le maintien des services essentiels de la communauté.

-                     En Italie, la loi numéro 146 du 12 Juin 1990 se donne précisément pour objectif « la conciliation de l’exercice du droit de grève dans les services publics essentiels et la jouissance des droits de la personne protégés par la constitution ». Un service minimum existe dans une quinzaine de secteurs publics essentiels comme l’eau, le gaz, le téléphone, les urgences médicales, l’information radio-télé publique, les transports, l’éducation…

-                     La loi Portugaise de 1977 sur le droit de grève a modifié le régime de la grève et a en particulier instauré des mesures spécifiques dans les services : «assurant des besoins sociaux absolument nécessaires comme l’obligation d’accomplir un service minimum ». Le service minimum s’applique à tous les services publics. Sa mise en place revient aux syndicats. Le gouvernement peut décider une réquisition civile des grévistes, ce qui suspend automatiquement tous les droits syndicaux, y compris la grève. Son non-respect peut entraîner le licenciement immédiat.

-                     En Belgique, on ne constate aucun service minimum dans les transports publics.

-                      Au Danemark, nous avons d’un coté les employés de la compagnie ferroviaire qui ont un statu de « fonctionnaires d’Etat » et qui ne peuvent pas faire grève et d’un autre coté les employées des compagnies d’autobus qui eux ont droit de grève.
-                     En Grèce, la prévoit pour tout le secteur public, la possibilité de mobiliser un « personnel de sécurité » pour un minimum de services. Un service minimum est organisé en cas de grève des contrôleurs aériens ainsi que dans les hôpitaux.

-                     Au Pays-Bas aucune loi n’oblige à un service minimum. L’employeur d’une société en grève peut saisir un juge qui décidera en référé d’interdire ou de limiter la grève. 

-                     En Suède, hormis dans certains services (police, secours), le service minimum n’existe pas.

-                     En Autriche, la loi ne prévoit pas de service minimum.

-                     En Pologne, aucune loi sur un service minimum. Une loi sur les conflits sociaux prévoit qu’il est interdit de cesser le travail si cela met en danger la santé ou la vie humaine, de même que la sécurité de l’Etat. Les fonctionnaires de l’ordre et des administrations publiques n’ont pas le droit de faire grève.

-                     En République Tchèque, la législation ne prévoit pas de service minimum. La loi de 1991 interdit à certaines professions le droit de grève : hôpitaux, centrales nucléaires, pompiers, agents des télécommunications.

c) La négociation d’un service minimum avec les partenaires sociaux

L’intervention du pouvoir exécutif en Espagne :

Le décret de 1977 approuvé par le tribunal constitutionnel, prévoit que l’autorité gouvernementale fixe les mesures indispensables au fonctionnement des services. En application du décret de 1977, de nombreux décrets de service minimum ont été pris pour déterminer les conditions particulières de son exercice dans les centres hospitaliers, les chemins de fer…




Le vide juridique au Portugal :

La loi adoptée en 1992 pour modifier la loi de 1977 sur le droit de grève prévoyait l’organisation du service minimum par la négociation collective (le ministre de l’emploi pouvant tenter une médiation avant d’imposer en accord avec le ministre chargé du secteur d’activité, les mesures concrètes permettant de respecter le service minimum). En octobre 1996, ces dispositions furent déclarées inconstitutionnelles pour non-respect de la procédure parlementaire. En conséquence, le service minimum est aménagé, selon les circonstances, par la négociation collective où par un arrêté ministériel. Dans les situations les plus difficiles, le gouvernement recourt à la réquisition civile (réalisé 20 fois depuis 1974et dans 70 % des cas suite à une grève dans le secteur des transports.).

En Allemane et en Italie, les prestations indispensables en cas de grève sont fixées par avance dans des accords collectifs :
En Italie la négociation collective est imposée par la loi, qui comporte un dispositif permettant de garantir un service minimum.
La loi a ne effet crée une entité ad hoc : commission de garantie pour l’application de la loi. Cette commission peut en cas de besoin aider les partenaires à trouver un accord sur le contenu et les modalités d’exécution du service minimum.

3)    Tableau récapitulatif



Service essentiel reconnu
Service minimum
Négociation partenaires sociaux
Royaume-Uni
Oui
Par la législation
Pas de service minimum

Allemagne
Oui
Par Jurisprudence
Pas de service minimum
Accords collectifs
Belgique

Aucun dans les services publics

Pays-Bas

Pas de service minimum

Autriche

Pas de service minimum

Pologne

Pas de service minimum

Danemark

Non pour les fonctionnaires d’Etat.

République Tchèque

Pas de service minimum

Portugal
Oui
Par la législation
Oui  dans les services publics.

Suède

Seulement pour la police, secours…

Italie
Oui
Par la législation
Oui dans une quinzaine de services publics
Négociation collective
Grèce
Oui
par la loi
Oui pour les contrôleurs aériens et hôpitaux
Négociation collective
Espagne
Oui
par Jurisprudence
Maintien des services essentiels
Non



Conclusion sur le service minimum dans les pays européens : 

Le Royaume-Uni est donc le seul pays (parmi ceux étudiés) à ne pas avoir adopté de règles permettant d’instaurer un service minimum dans l’ensemble des services « essentiels ». Certains l’ont fait par jurisprudence d’autres par voie législative.
Il semblerait également que la négociation avec les partenaires sociaux en Italie soit un processus très bien implanté.

Conclusion

La situation française actuelle des grèves dans les services publics est complexe : d’un côté il est nécessaire de préserver la sécurité et d’assurer la continuité des services essentiels comme les communications, les transports ; d’un autre côté il est indispensable de maintenir un droit constitutionnel : celui de faire grève.
 L’idée de services essentiels n’a pas encore été définie précisément et l’exigence de service minimum est très peu développée puisqu’elle ne s’applique que dans certains secteurs et de manière ponctuelle. Seuls certains services publics y sont aujourd’hui contraints : la radio et la télévision publiques ainsi que la sécurité et la navigation aériennes. Le service minimum dans les transports en commun est un continuel rapport de forces entre le gouvernement plutôt favorable à cette mesure et les syndicats qui de manière générale dénoncent une atteinte au droit de grève. Tous s’accordent néanmoins à favoriser la négociation et le dialogue.
En Europe, tout en respectant le droit fondamental qu’est la grève, la plupart des gouvernements ont pris des mesures pour que son exercice ne menace aucun des intérêts considérés comme essentiels à la vie des citoyens. Ils ont instauré un service minimum donnant la priorité à la continuité du service public sur l’exercice du droit de grève.
L’exemple du secteur des transports public en France montre que l’une des priorités de l’Etat est d’assurer la continuité du service public. Or en Europe, la plupart des pays agissent concrètement par le biais de lois qui généralisent le service minimum dans les secteurs publics. La France suivra t- elle prochainement cet exemple ?

Les grandes idées essentielles :

La grève est depuis longtemps reconnue par tous un comme un droit constitutionnel mais elle suscite tout de même des controverses dans le secteur public.
La grève dans les services publics n’est pas absolue : des limitations peuvent être apportées pour préserver la sécurité ou pour assurer la continuité des services essentiels comme les communications, les transports...
Concernant les transports publics, la mise en place de la grève est délicate et touche à chaque fois de nombreux usagers. L’Etat et les syndicats sont récemment parvenus à un accord : garantir un service minimum en cas de grève.
En Europe, la tendance est partagée : certains pays privilégient la reconnaissance législative ou jurisprudentielle des services essentiels, comme  le Portugal, l’Italie, l’Espagne; cela se traduit naturellement par la mise en place de services minimum. D’autres pays dont la Belgique, les Pays-Bas, la Pologne, l’Autriche...n’ont pas encore reconnus les services essentiels. Ils n’appliquent donc pas de service garanti.

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