La jurisprudence de la Cour de cassation et du
Conseil d'État définit la grève comme étant une cessation collective et concertée
du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles. Le droit de
grève est énoncé dans le préambule de la constitution. La loi ne peut le
supprimer, ni le dénaturer. Mais selon la Constitution
elle-même, ce n’est pas un droit absolu, il comporte des limites, notamment en
ce qui concerne le service public.
En effet la notion de grève dans les
services publics, [définie comme toute activité destinée à satisfaire à un
besoin d’intérêt général et qui, en tant que telle, doit être assurée ou contrôlée
par l’administration], a suscité pendant longtemps l’hostilité et les
controverses les plus animées. Et pourtant, certaines évolutions
jurisprudentielles ont eu lieu depuis la fin des années 1970. Ces dernières ont abouties dans certains cas,
à la création d’un service minimum, c'est-à-dire à toutes les missions que le
service doit continuer d’assurer en cas de grève.
Il reste néanmoins difficile de
concilier le principe de continuité des services publics avec le droit de
grève. C’est pourquoi la question reste actuelle : existe-il réellement un
service minimum en cas de grève dans la fonction publique ?
Après avoir mis en évidence les
principes et la mise en place du service minimum dans la fonction publique,
nous nous attacherons à la position de chacun des trois protagonistes des
grèves publiques, à savoir l’Etat, les syndicats et les destinataires. Puis
nous étudierons le service minimum de quelques pays européens.
I-
Service minimum dans les services publics : principes et
mise en place
En raison des tâches essentielles de l'Etat, le droit de
grève est placé sous un régime particulier dans la fonction publique. Ainsi,
certains fonctionnaires ne peuvent faire grève tandis que d'autres se voient
imposer un système de service minimum.
1)
Champs d’application de la grève dans les
services publics
La grève dans les services publics
concerne :
-
les personnes civiles de l’Etat, des départements, des
communes de 10 000 habitants.
-
les personnels des entreprises ou organismes publics ou
privés lorsqu’ils sont chargés de la gestion d’un service public (L 521-2)
-
les fonctionnaires (Etat+collectivités territoriales)
-
RATP – SNCF – Air Inter (1) – CEA (2)
-
les petites entreprises privées de transport scolaire
assurant localement la gestion d’un service public.
La grève est un droit organique,
c'est-à-dire que seuls sont les syndicats représentatifs peuvent déclencher une
grève, sinon la grève est illicite. Par ailleurs, la grève surprise est
interdite. Les fonctionnaires doivent impérativement, avant la date de la grève
envisagée, déposer un préavis de grève. Ce dépôt doit préciser les motifs de
recours à la grève et doit être déposé au minimum 5 jours avant le
déclenchement du mouvement. Il a deux buts : éviter le conflit et prévenir
les usagers du service public.
Enfin, La loi prévoit que les
administrations peuvent réquisitionner un certain nombre de fonctionnaires en
cas de nécessité pour assurer la continuité des services.
(1) Air Inter est une compagnie aérienne française qui a fusionné avec Air France en 1997
(2)
Le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA)
est un organisme public de recherche dans les domaines de l'énergie, de la
défense et des technologies de l'information et de la santé.
2)
Cas où la grève est interdite dans les
services publics
Des textes de nature législative ont
privé certains fonctionnaires du droit de grève. Le fait pour eux de s’engager
dans une grève, les expose à des sanctions lourdes.
-
Il s’agit : des CRS (loi du 17 décembre 1947), des
policiers (loi du 28 septembre 1948), des gardiens de prison (ordonnance du 5
août 1958), des personnels de transmission du ministère de l’intérieur (loi du
31 juillet 1968), et des militaires (loi du 13 juillet 1972).
Par ailleurs, on peut ajouter que les
grèves perlées et tournantes sont interdites (L521 – 4).
Mais dans certaines hypothèses, sans
priver les fonctionnaires concernés du droit de grève, des textes ont prévu des
« services minimums » (aujourd’hui plutôt appelés « services
garantis ».
3)
Mise en place d’un service minimum en cas
de grève
Le service minimum consiste dans la
possibilité pour l’administrateur d’imposer, en cas de grève, le maintien d’une
certaine activité du service.
-
Il en va ainsi en matière de radio et de télévision (loi
du 30 septembre 1986), et en matière de contrôle de la navigation aérienne (loi
du 31 décembre 1984).
-
De la même façon, il est prévu que les directeurs des
écoles maternelles et primaires doivent, en cas de grève, assurer l’accueil des
élèves (décret du 18 mars 1981).
-
Des restrictions du même ordre existent dans le cas des
receveurs et chefs de centres postaux (CE, 1er juin 1984), de même
que dans celui des greffiers (CE, 21 décembre 1977).
Ces restrictions ont été introduites
par les autorités hiérarchiques en 1950. En effet, le Conseil d’Etat a admis
dans l’arrêt « Dehaene » de 1950 (on fait désormais référence à la
jurisprudence Dehaene), qu’en l’absence d’une législation générale du droit de
grève dans la fonction publique, le gouvernement pouvait apporter des limitations
à ce droit. Par la suite, le juge administratif a élargi cette solution en
admettant que le pouvoir de limiter de leurs personnels appartenait à toutes
les autorités hiérarchiques : ministres, maires, directeurs
d’établissement publics et directeurs d’hôpitaux, etc. Le Conseil d’Etat
réaffirme régulièrement ce principe bien qu’il soit anticonstitutionnel.
Pour autant ce pouvoir de limitation
ne peut pas être utilisé n’importe comment. Les mesures prises doivent avoir
pour but : de préserver la sécurité des personnes ou des locaux, ou de
maintenir l’ordre public, ou d’assurer la continuité des services essentiels
comme les communications, les transports…Elles ne peuvent en aucun cas être un
moyen d’assurer la continuité « normale » des services publics. Service
minimum oui, service normal non !
Enfin, dans certains secteurs, le
droit de grève reste généralement « absolu » dans la mesure où ce ne
sont pas des secteurs liés à la sécurité ou à l’ordre. Il s’agit notamment des
services de sécurité sociale.
II-
Cas des transports public
Aujourd’hui en France, les grèves
restent très médiatisées, en particulier celles des transports publics SNCF et
RATP.
Elles touchent un grand nombre de
citoyens, particulièrement ceux qui utilisent chaque jour les transports en commun
pour se rendre sur leur lieu de travail.
La mis en place d’un service minimum
garanti dans les transports publics a donc fait l’objet d’un réel débat ces
derniers temps. Mais c’est aussi un rapport de forces entre le gouvernement
plutôt favorable à cette mesure et les syndicats qui de manière générale
dénoncent une atteinte au droit de grève.
1)
Quelles sont les motivations pour la mis en
place d’un service minimum garanti dans les transports publics ?
En France, le service public des
transports collectifs devient de plus en plus vital pour le fonctionnement du
pays. Pourtant, c’est un secteur dans lequel les grèves sont les plus
fréquentes.
Cependant aucune disposition
particulière n’oblige aujourd’hui les opérateurs à se soumettre à l’obligation
de continuité en cas de grève.
a) Pourquoi le
gouvernement souhaiterait il mettre en place un service minimum garantie pendant les périodes de grève
dans les transports publics ?
-
Beaucoup de citoyens français sont usagers et utilisent
les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail. Ils associent
transports publics et grèves au détriment de leur développement, car chaque grève
rend les conditions de circulation difficiles.
-
La population serait plutôt favorable à la mis en place
d’un service minimum garantie. En effet, un sondage IFOP, réalisé en janvier
2005, montre que sur un échantillon de 1000 personnes, 65 % se disait favorable
à la mise en place d’un tel service.
-
Le gouvernement encourage la population à emprunter au
maximum les transports publics dans un but de réduire la pollution et assurer
une meilleure qualité de vies dans les grandes agglomérations envahies par la
pollution sonore des automobiles, l’Etat défend l’importance et le rôle
particulier des services publics dans le bon fonctionnement de la société en
particulier urbaine. Il a du mal à être crédible du fait des grèves à
répétition dans ce secteur.
-
Les transports publics en France ont une mauvaise image
dans le monde dû aux grèves à répétition dans ce secteur.
C’est dans ce contexte qu’un rapport
sur la continuité du service public dans les transports terrestre de voyageurs
avait été remis le 21 juillet 2004 sur la continuité du service public dans les
transports terrestres de voyageur.
b) Le rapport Mandelkern
Ce rapport, rendu en juillet 2004 au
ministre des transports a été rédigé par une commission composée d’experts. Il
propose un dispositif permettant d’assurer la continuité du service public des
transports en cas de grève.
-
Une
obligation préalable
de négociation
à La période de négociation durant les
cinq jours de préavis n’aboutit en général qu’à un désaccord formel entre
l’organisation patronale et syndicale.
Une période de 7 jours serait mise en
place réservée exclusivement à la négociation entre les parties.
-
L’allongement de la durée du préavis
à Un préavis qui passerait de 5 à 10
jours.
7 jours seraient consacrés à la
négociation uniquement. Si un désaccord persiste au terme de ces 7 jours, un
préavis de 3 jours, serait de nouveau mis en place pour préparer un service
possible (service minimum) et informer les usagers.
-
Fiabilité du service en cas de grève.
à Obligation des salariés à déclarer de
manière individuelle leur attention de participer à la grève. Cette déclaration
devra de faire 48 heures à l’avance. Il s’agit de faire part d’une décision de
participer à la grève après que la négociation a eu lieu.
-
Une garantie de service
à Si la grève a lieu, un service
minimum garanti devra être mis en place. Les agents non grévistes seront
mobilisés pour assurer ce service minimum. Des agents grévistes peuvent
également être mobilisés même si ils doivent accomplir qu’une fraction de leur
tache habituelle.
-
Informer les usagers
à Garantir un service préalable et
gratuit des usagers sur le service assuré en cas de grève.
Ce rapport a été rédigé dans le but
d’améliorer le climat de malaise social qui règne dans le domaine des
transports.
Il a deux objectifs : désamorcer
un conflit en cas de préavis de grève et permettre d’assurer un service minimum
en cas d’échec des négociations préalables.
Mais ce rapport ne fait pas
l’unanimité selon les membres du gouvernement ou les membres des organisations
syndicales.
2)
L’enjeu d’une loi sur la mis en place d’un
service
a) Le ministère des transports
Le ministre des transports, Gilles de
Robien (gouvernement Raffarin), avait émis un avis favorable au rapport
Mandelkern. En décembre 2003, il annonçait devant l’Assemblée nationale sa
volonté de donner la priorité à la prévention des conflits sociaux et mettre en place, par une loi
déterminée, un certain niveau de service pour qu’une partie des transports
fonctionne même s’il y a grève.
Cependant, suite à ce rapport, il
s’est dit prêt à négocier avec les partenaires sociaux afin de trouver un
accord permettant de mettre en place ce dispositif d’alarme sociale et de
service garanti.
Par ailleurs, pour l’actuel ministre
des Transports, de l'Équipement, Dominique Perben, la mise en place d’une
garantie de service ne remet nullement en cause le droit de grève. En effet, il
implique avant tout les directions d'entreprises, qui s'engagent, par un effort
d'organisation, à offrir le meilleur niveau de service possible en cas de
conflit, en optimisant l'activité du personnel non gréviste.
b) Les organisations syndicales. (CGT, FO, CFDT, CFTC, Unsa,
CFE-CGC, Sud-Rail et Fgaac)
La position des syndicats reste
controversée sur la mise en place d’un service minimum garanti et sur les
différents points du rapport Mandelkern.
-
FO
(force Ouvrière) : la proposition d’obliger chaque salarié d’une
entreprise publique de transport à se déclarer individuellement gréviste,
48 heures avant le conflit est une atteinte à la liberté collective et
individuelle. C’est aussi une forme de pression sur les salariés.
-
CGT :
selon Didier Le Reste, secrétaire général de la CGT cheminots, le service minimum n’est pas une
priorité en soi. Celui-ci a, selon lui, pour «vocation de casser la capacité de
mobilisation des cheminots face à des choix qui leur paraissent contraires à
l’intérêt général ».
-
Il s’agit donc d’une stratégie du gouvernement pour
diminuer les effets de la grève. C’est aussi une atteinte au droit de grève.
-
Même si la
CGT reste favorable à d’avantage de dialogue, elle reste
contre une loi qui obligerait les syndicats à négocier.
-
CFTC :
Elle n'a jamais été favorable à l'appel à la grève systématique qui pour elle
est préjudiciable pour les usagers du service public. Mais l'instauration d'un
service minimum reste inconciliable avec le respect du droit de grève.
-
Cependant elle reste favorable à la négociation et au
rallongement du préavis de 5 à 10 jours.
-
CFDT :
se dit contre instauration d’une loi l’obligeant les parties à négocier des
dispositions « le dialogue social ne se décrète pas. Il résulte d’une
volonté partagée d’en faire un outil au service du développement des
entreprises et de l’amélioration du service rendu. »
Par ailleurs, la mise en place d’une
loi imposant un service minimum
resterait inopérante et s’exercerait de manière contre productive puisque
des agents grévistes pourraient être mobilisés pour travailler.
Tous les
partis syndicaux s’accordent néanmoins sur un point : favoriser une plus
grande négociation.
C’est dans
ce climat que le ministre des transports, Gilles
de Robien, a privilégié la négociation avec les syndicats afin de
parvenir à un accord plutôt que d’adopter une loi qui aurait été mal perçue par
les partenaires sociaux.
3)
Un nouvel accord pour une meilleure
prévention des conflits.
a)
Signature de l’accord du 28 octobre 2004
Cet accord porte sur l’amélioration du
dialogue social et sur la prévention des conflits à la SNCF.
Un accord a finalement été signé par
la direction de la SNCF
et 6 organisations syndicales : CFDT, l’Unsa, la CFTC , la Fgaac , CFE-CGC et même la CGT.
Seuls SUD et FO ont décidé de ne pas
ratifier un tel accord.
Les syndicats soutiennent qu’un tel
accord est nécessaire afin apporter une réelle amélioration du dialogue
social et des conditions de transport des usagers.
Mais il s’agit aussi de dissuader le
gouvernement de faire passer une loi sur le service minimum.
b)
Contenu de l’accord du 28 octobre 2004
-
Prévenir le conflit :
-
à La grève est considérée comme le
recours ultime.
-
La période de préavis égale à cinq jours est remplacée
par une période de concertation.
-
Dans un premier temps, les syndicats pourront demander
une concertation immédiate. Temps pendant lequel les syndicats pourront aviser
la direction d’un problème ou d’un différent particulier. Suite à cette
concertation des réunions pourront être organisées afin de finaliser une
solution.
-
Le temps global de concertation peut s’étaler sur une
période dix jours ouvrables.
-
améliorer la prévisibilité du service
-
à En cas d’échec des négociations à
l’issu de la période de négociation, un délai de prévenance de 24 H sera
déclenché afin qu’un plan de transport soit organisé.
-
Ce plan de transport sera porté à la connaissance des
organisations syndicales qui pourront donner un avis puis seront portés à la
connaissance des usagers.
-
Améliorer le dialogue social
à Avant et pendant le
déclenchement de la grève, le directeur d’établissement et le responsable des
ressources humaines seront les acteurs privilégiés de la négociation avec les
syndicats et seront maintenus à leur poste pour une période d’au moins 3 ans
afin d’instaurer une relation de confiance avec les partenaires sociaux.
c)
Vers l’instauration d’un service
minimum ?
On a vu que jusqu’à là, la
priorité était donnée à la prévention du conflit.
Des accords ont été signé
afin d’éviter des grèves considérées comme ultime recours.
Aujourd’hui, aucunes
dispositions légales n’existent visant à instaurer un service minimum garanti.
Le service minimum repose
sur la mobilisation des agents non grévistes.
Cependant les dernières
grèves à la SNCF
ont fait l’objet de guerre entre les syndicats. Ces dernières s'expliquent
par la surenchère que les syndicats pratiquent entre eux pour gagner ces
élections.
On peut donc voir en quoi
l’accord tient ses limites dans la mesure où les grèves ne répondent plus
réellement à des revendications concrètes et immédiates.
Le gouvernement reste dans
une position délicate car l’instauration d’un service minimum permettrait de
satisfaire les usagers, néanmoins une loi instaurant un service minimum
garantie provoquerait un désaccord unanime du côté des organisations
syndicales.
On peut se demander dans
quelle mesure les autres pays européen ont mis en place le service minimum dans
les services publics.
III-
Le service minimum dans les pays européens.
Tous les pays qui reconnaissent le
droit de grève se trouvent confrontés au même problème à savoir : Comment
concilier ce droit avec la nécessité d’assurer la continuité de certains services
considérés comme essentiels ?
C’est pourquoi on constate que dans de
nombreux pays le droit de grève est interdit dans certains services publics
comme par exemple chez les militaires.
Certains de nos voisins européens ont
étendu cette interdiction aux magistrats (en Espagne) où encore à l’ensemble
des fonctionnaires (en Allemagne).
Tout au long de cette partie nous
allons donc voir comment le problème de service minimum est-il traité par
plusieurs pays membres de la communauté européenne.
Nous allons voir tout d’abord que la
notion de service essentiel est tout à fait reconnue en prenant comme exemple
l’Italie, le Portugal, le Royaume-Uni, l’Espagne et enfin l’Allemagne.
Nous nous attarderons ensuite sur le
cas du Royaume-Uni ainsi que des autres pays face à l’instauration de ce
service.
Enfin nous terminerons en analysant
comme ce service minimum est-il négocié avec les partenaires sociaux.
1)
Le service essentiel unanimement
reconnue
a)
Par la législation
-
L’Italie, qui a spécifiquement légiféré sur le droit de
grève dans les services publics essentiels, les définit comme « ayant pour
objet de garantir la jouissance des droits de l personne protégés par la
constitution ».
-
Au Portugal, il s’agit des «entreprises ou établissements
dont l’activité a pour but de satisfaire des besoins sociaux absolument
nécessaires ».
-
Au Royaume-Uni, la loi qui permet d’organiser la
réquisition évoque la nécessité « d’assurer à la communauté ce qui est
essentiel à la vie ».
b) La jurisprudence
-
En Espagne, c’est le Tribunal Constitutionnel qui a
délimité la notion de services essentiels, mentionné par la constitution. Le
tribunal l’a fait en prenant en compte la seule nécessité de « protéger
les intérêts des usagers ».
-
En Allemagne, le Tribunal Fédéral du Travail insiste sur
la nécessité de préserver les « intérêts vitaux de la population ».
2)
L’instauration du service minimum
a) Le cas du Royaume-Uni
Il n’existe aucune réglementation
relative au service minimum dans les services publics, et les seuls moyens d’en
assurer la continuité sont la limitation légale générale du recours à la grève
et la réquisition.
Cette limitation au recours à la grève
a notamment permis de faire chuter le nombre des grèves de façon spectaculaire
dans les années 1980.
On constate cependant depuis les
années 1996 que ce nombre à considérablement augmenter ce qui a conduit le
gouvernement à envisager une réforme pour restreindre les grèves dans les
services essentiel, ainsi que dans les services disposant d’un quasi monopole.
Le gouvernement Britannique avait
alors suggéré de permettre à toute personne d’engager des poursuites contre les
syndicats en cas de grève dont les effets auraient été « disproportionnés
où excessifs ».
b) Exemples de plusieurs pays Européens
-
En Allemagne :
c’est la jurisprudence qui a codifié le droit de grève. Le Tribunal Fédéral du
Travail estime que : «à la
différence des fonctionnaires qui n’ont pas le droit de grève, les agents des
services publics sous contrat de droit privé peuvent faire grève à condition de
ne pas léser indûment les intérêts vitaux de la population et de veiller, en
cas de grève, à ce que les mesures de protection indispensables soient
assurés ». Aucune loi ne prévoit un service minimum, en théorie les
services publics, comme les transports peuvent être totalement paralysés.
-
La constitution Espagnole, exige en cas de grève, le maintien des services essentiels de la
communauté.
-
En Italie, la loi
numéro 146 du 12 Juin 1990 se donne précisément pour objectif « la conciliation de l’exercice du
droit de grève dans les services publics essentiels et la jouissance des droits
de la personne protégés par la constitution ». Un service minimum
existe dans une quinzaine de secteurs publics essentiels comme l’eau, le gaz,
le téléphone, les urgences médicales, l’information radio-télé publique, les
transports, l’éducation…
-
La loi Portugaise de
1977 sur le droit de grève a modifié le régime de la grève et a en particulier
instauré des mesures spécifiques dans les services : «assurant des besoins sociaux absolument nécessaires comme l’obligation
d’accomplir un service minimum ». Le service minimum s’applique à tous
les services publics. Sa mise en place revient aux syndicats. Le gouvernement
peut décider une réquisition civile des grévistes, ce qui suspend
automatiquement tous les droits syndicaux, y compris la grève. Son non-respect
peut entraîner le licenciement immédiat.
-
En Belgique, on ne
constate aucun service minimum dans les transports publics.
-
Au Danemark, nous avons d’un coté les employés de la
compagnie ferroviaire qui ont un statu de « fonctionnaires d’Etat »
et qui ne peuvent pas faire grève et d’un autre coté les employées des
compagnies d’autobus qui eux ont droit de grève.
-
En Grèce, la prévoit
pour tout le secteur public, la possibilité de mobiliser un « personnel de
sécurité » pour un minimum de services. Un service minimum est organisé en
cas de grève des contrôleurs aériens ainsi que dans les hôpitaux.
-
Au Pays-Bas aucune loi n’oblige à un service minimum. L’employeur
d’une société en grève peut saisir un juge qui décidera en référé d’interdire
ou de limiter la grève.
-
En Suède, hormis dans
certains services (police, secours), le service minimum n’existe pas.
-
En Autriche, la loi ne
prévoit pas de service minimum.
-
En Pologne, aucune loi
sur un service minimum. Une loi sur les conflits sociaux prévoit qu’il est
interdit de cesser le travail si cela met en danger la santé ou la vie humaine,
de même que la sécurité de l’Etat. Les fonctionnaires de l’ordre et des
administrations publiques n’ont pas le droit de faire grève.
-
En République Tchèque, la législation ne prévoit pas de
service minimum. La loi de 1991 interdit à certaines professions le droit de
grève : hôpitaux, centrales nucléaires, pompiers, agents des
télécommunications.
c) La
négociation d’un service minimum avec les partenaires sociaux
L’intervention du
pouvoir exécutif en Espagne :
Le décret de 1977 approuvé par le
tribunal constitutionnel, prévoit que l’autorité gouvernementale fixe les
mesures indispensables au fonctionnement des services. En application du décret
de 1977, de nombreux décrets de service minimum ont été pris pour déterminer
les conditions particulières de son exercice dans les centres hospitaliers, les
chemins de fer…
Le vide juridique au
Portugal :
La loi adoptée en 1992 pour modifier
la loi de 1977 sur le droit de grève prévoyait l’organisation du service
minimum par la négociation collective (le ministre de l’emploi pouvant tenter
une médiation avant d’imposer en accord avec le ministre chargé du secteur
d’activité, les mesures concrètes permettant de respecter le service minimum).
En octobre 1996, ces dispositions furent déclarées inconstitutionnelles pour
non-respect de la procédure parlementaire. En conséquence, le service minimum
est aménagé, selon les circonstances, par la négociation collective où par un
arrêté ministériel. Dans les situations les plus difficiles, le gouvernement
recourt à la réquisition civile (réalisé 20 fois depuis 1974et dans 70 % des
cas suite à une grève dans le secteur des transports.).
En Allemane et en Italie, les
prestations indispensables en cas de grève sont fixées par avance dans des
accords collectifs :
En Italie la négociation collective
est imposée par la loi, qui comporte un dispositif permettant de garantir un
service minimum.
La loi a ne effet crée une entité ad
hoc : commission de garantie pour l’application de la loi. Cette
commission peut en cas de besoin aider les partenaires à trouver un accord sur
le contenu et les modalités d’exécution du service minimum.
3)
Tableau récapitulatif
|
Service essentiel reconnu
|
Service minimum
|
Négociation partenaires sociaux
|
Royaume-Uni
|
Oui
Par la législation
|
Pas de service minimum
|
|
Allemagne
|
Oui
Par Jurisprudence
|
Pas de service minimum
|
Accords collectifs
|
Belgique
|
|
Aucun dans les services publics
|
|
Pays-Bas
|
|
Pas de service minimum
|
|
Autriche
|
|
Pas de service minimum
|
|
Pologne
|
|
Pas de service minimum
|
|
Danemark
|
|
Non pour les fonctionnaires d’Etat.
|
|
République Tchèque
|
|
Pas de service minimum
|
|
Portugal
|
Oui
Par la législation
|
Oui
dans les services publics.
|
|
Suède
|
|
Seulement pour la police, secours…
|
|
Italie
|
Oui
Par la législation
|
Oui dans une quinzaine de services
publics
|
Négociation collective
|
Grèce
|
Oui
par la loi
|
Oui pour les contrôleurs aériens et
hôpitaux
|
Négociation collective
|
Espagne
|
Oui
par Jurisprudence
|
Maintien des services essentiels
|
Non
|
Conclusion sur le
service minimum dans les pays européens :
Le Royaume-Uni est donc le seul pays
(parmi ceux étudiés) à ne pas avoir adopté de règles permettant d’instaurer un
service minimum dans l’ensemble des services « essentiels ». Certains
l’ont fait par jurisprudence d’autres par voie législative.
Il semblerait également que la
négociation avec les partenaires sociaux en Italie soit un processus très bien
implanté.
Conclusion
La situation française actuelle des
grèves dans les services publics est complexe : d’un côté il est
nécessaire de préserver la sécurité et d’assurer la continuité des services
essentiels comme les communications, les transports ; d’un autre côté il est
indispensable de maintenir un droit constitutionnel : celui de faire grève.
L’idée de services essentiels n’a
pas encore été définie précisément et l’exigence de service minimum est très
peu développée puisqu’elle ne s’applique que dans certains secteurs et de
manière ponctuelle.
Seuls certains services publics y sont aujourd’hui contraints :
la radio et la télévision publiques ainsi que la sécurité et la navigation
aériennes. Le service minimum dans les transports en commun est un continuel
rapport de forces entre le gouvernement plutôt favorable à cette mesure et les
syndicats qui de manière générale dénoncent une atteinte au droit de grève. Tous
s’accordent néanmoins à favoriser la négociation et le dialogue.
En Europe, tout en respectant le droit
fondamental qu’est la grève, la plupart des gouvernements ont pris des mesures
pour que son exercice ne menace aucun des intérêts considérés comme essentiels
à la vie des citoyens. Ils ont instauré un service
minimum donnant la priorité à la continuité du service public sur l’exercice du
droit de grève.
L’exemple du secteur des transports public en France montre que l’une des
priorités de l’Etat est d’assurer la continuité du service public. Or en
Europe, la plupart des pays agissent concrètement par le biais de lois qui
généralisent le service minimum dans les secteurs publics. La France suivra t- elle
prochainement cet exemple ?
Les grandes idées essentielles :
La grève est depuis longtemps reconnue par tous un comme un droit
constitutionnel mais elle suscite tout de même des controverses dans le secteur
public.
La grève dans les services publics n’est pas absolue : des
limitations peuvent être apportées pour préserver la sécurité ou pour assurer
la continuité des services essentiels comme les communications, les
transports...
Concernant les transports publics, la mise en place de la grève est
délicate et touche à chaque fois de nombreux usagers. L’Etat et les syndicats
sont récemment parvenus à un accord : garantir un service minimum en cas
de grève.
En Europe, la tendance est partagée : certains pays privilégient la
reconnaissance législative ou jurisprudentielle des services essentiels,
comme le Portugal, l’Italie, l’Espagne;
cela se traduit naturellement par la mise en place de services minimum.
D’autres pays dont la Belgique, les Pays-Bas, la Pologne, l’Autriche...n’ont
pas encore reconnus les services essentiels. Ils n’appliquent donc pas de
service garanti.
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