dimanche 15 juillet 2012

LES EXPERTS DU COMITE D’ENTREPRISE


Les cabinets d’expertise pour les Comités d’Entreprise (CE), poussés par les évolutions législatives, se sont nettement développés ces dernières décennies.

Les Comité d’Entreprise ont pour mission essentielle, depuis leur création en 1945, d’associer le personnel à la vie de l’entreprise, d’améliorer l’organisation générale de l’entreprise et les conditions de travail dans un esprit de coordination et de consultation avec le chef d’établissement.
Aussi, l’ordonnance du 22 février 1945 puis la loi du 16 mai 1946 ont donné la possibilité aux CE d’avoir recours aux experts comptables pour les aider à analyser les comptes de la société.

La loi du 28 octobre 1982 a apporté d’importantes modifications à l’institution des Comités d’Entreprise qui ont vu leur rôle s’accroître considérablement. Les lois Auroux leurs permettent de s’entourer d’experts comptables en cas, entre autres, de licenciement collectif.
Depuis, ces professionnels sont présents sur tous les fronts passant de la simple expertise comptable à l’expertise en organisation.

En effet, le monde de l’entreprise s’est considérablement complexifié avec les délocalisations, les regroupements d’entreprises ou encore la mondialisation…
Ainsi, les réponses aux questions relatives à l’économie, au droit du travail et l’analyse des comptes de la société ne suffisent plus pour décrypter les stratégies d’entreprise. D’autres grilles de lecture sont désormais nécessaires.

Dans une première partie, nous définirons le cadre légal des experts auprès des CE et les différents types d’expertises demandées, ensuite, nous montrerons que ces conseillés sont de plus en plus sollicités mais qu’il existe des freins à leurs expertises.


A.           Les experts du CE


1.                 Le cadre légal


La loi a conféré au comité d’entreprise un véritable droit de regard sur la gestion de l’entreprise.
Mais pour qu’il puisse exercer efficacement ses nouvelles attributions, encore fallait il le doter de moyens correspondants. Tel est le but des dispositions du code du travail permettant notamment au CE de recourir à l’assistance de certains experts, dans de nombreuses circonstances.

Article L 434-6 du code de travail : Le Comité d’entreprise peut se faire assister par des experts assujettis à la même obligation de secret et de discrétion que les membres du comité. Ils peuvent assister aux réunions du comité consacrées aux questions relevant de leur mission ( Cass. Crim. 25/05/1983 n° 82.92.280 ; Circ. DRT 12 du 30/11/1984).

Ainsi, le Comité d’Entreprise peut faire appel :
-  A un expert comptable
-  A tout expert rémunéré par ses soins, pour la préparation de ses travaux.

De même, dans les entreprises employant au moins 300 salariés, le CE peut se faire assister d’un expert à l’occasion de tout projet important d’introduction de nouvelles technologies.

Ces trois types d’expertises permettent à des non-initiés d’avoir un avis éclairé lorsque leur sont présentés les projets relatifs à la gestion, à l’évolution économique et financière, à l’organisation du travail et aux techniques de production.

2.                 Les différents experts


a)   Expert comptable


Ø  Mission de l’expert comptable 

La présentation, chaque année, des comptes annuels de l’entreprise aux membres du comité d’entreprise est un moment important.
Pourtant de nombreux comités subissent passivement cette présentation qui prend souvent la forme d’un passage en revue incompréhensible des comptes de résultats et des bilans.
Or, la présentation annuelle des comptes, lorsqu’elle s’accompagne de l’assistance de l’expert-comptable est au contraire l’occasion de rendre efficace l’intervention du comité d’entreprise.
L’information transmise aux salariés est fiable, contrôlée et documentée.
Cette mission d’assistance ne fait pas double emploi avec celle du commissaire aux comptes dont le rôle est de certifier les comptes, ni avec celle de l’expert-comptable habituel de l’entreprise, qui n’entre généralement pas dans sa stratégie.
L’examen annuel des comptes est prévu par les dispositions de l’article L.432-4 du Code du Travail. La loi du 28 octobre 1982 étend en effet à toutes les entreprises de plus de cinquante salariés, quelle que soit son statut juridique, la communication de leurs comptes annuels au comité d’entreprise.
Cette assistance peut être mise en œuvre tant à l’occasion de la présentation des comptes qu’à l’occasion de la mise en route d’une procédure de licenciement collectif, pour motif économique, ou encore dans le cadre de la procédure d’alerte.

Mais aujourd’hui, les interrogations des Comités portent le plus souvent sur le devenir de leur entreprise. Ils ont appris que des résultats financiers satisfaisants ne suffisent pas à garantir la pérennité et que toute entreprise comporte en soi une source de vulnérabilité, qu’un marché peut s’effondrer, une concurrence nouvelle apparaître subitement …

Ø  La mise en œuvre de la mission 

1.      inscription de la demande d’assistance de l’expert-comptable à l’ordre du jour
     d’une réunion normale du Comité d’Entreprise ou d’une réunion exceptionnelle en        
     cas d’urgence.

2.      lors de la réunion, mise aux voix de la désignation. L’expert doit être nommément
                 désigné en séance et dans le procès-verbal de la réunion.

            3.  communication à l’expert-comptable du procès-verbal de la réunion ou courrier du
                secrétaire du Comité d’entreprise lui confirmant sa nomination.

4.      l’expert-comptable établit et propose à la direction une lettre de mission dans
      laquelle il fixe le montant d’honoraires.

5.      acceptation des termes de la lettre de mission ou discussion.

6.      après accord, démarrage de la mission.

7.      au moins une réunion préparatoire a lieu avec les membres du comité d’entreprise et une réunion avant la présentation du rapport définitif.

Ø  Désignation de l’expert comptable

L’expert désigné doit être un expert-comptable, c’est-à-dire une personne inscrite au tableau de l’Ordre des experts-comptables et comptables agréés. Ceci exclut donc la désignation de tout expert ne remplissant pas cette condition, qu’il s’agisse notamment :

-          d’un titulaire du diplôme d’expertise comptable non inscrit au tableau de l’Ordre,
-          d’un commissaire aux comptes s’il n’est pas en même temps expert-comptable,
-          d’un comptable agréé, même inscrit à ce titre au tableau de l’Ordre des experts-comptables et comptables agréés, puisqu’il n’est pas pour autant expert-comptable.

Le comité d’entreprise peut choisir un cabinet ou une société d’expertise comptable inscrite au tableau de l’Ordre.
L’ordonnance du 19 septembre 1945 modifiée prévoit en effet que « les droits attribués et les obligations imposées aux membres de l’Ordre s’étendent aux sociétés reconnues par l’Ordre ». Or, parmi les droits attribués, figure celui d’être désigné par un comité d’entreprise pour assurer son assistance.
En pratique, la désignation par le comité d’un cabinet ou d’une société d’expertise comptable, sans précision de l’expert personnellement choisi est souvent de règle, compte tenu notamment de la spécialisation de certains cabinets ou sociétés pour de telles missions.

Le comité dispose d’une grande liberté de choix de l’expert.
Aucune restriction tenant à la localisation géographique de l’expert n’est susceptible d’être opposée au comité d’entreprise, même si cette liberté de choix peut comporter certaines conséquences quant à la rémunération des frais de déplacement. Avec l’accord de la direction de l’entreprise, la mission de l’expert-comptable peut être scindée en deux parties, confiées à deux experts-comptables différents.
Le comité est libre de changer d’expert à chaque mission.
La seule restriction pour la désignation de l’expert, concerne la commission économique qui ne peut se faire assister que par l’expert du comité d’entreprise.

La désignation de recourir pour une mission donnée à l’assistance d’un expert-comptable, comme celle relative au choix de l’expert, appartient au comité d’entreprise. La désignation de l’expert n’est pas subordonnée à un vote du comité. Un tel vote n’est nécessaire que dans le cas d’un désaccord entre les membres du comité. En pratique le comité d’entreprise doit décider de procéder à une expertise et désigner l’expert au cours d’une réunion du comité. La question doit être inscrite à l’ordre du jour, et figurer au procès verbal. Le comité doit également préciser la mission qu’il confie à l’expert.
Lorsque, à défaut d’accord unanime des membres du comité, un ou plusieurs votes s’avèrent nécessaires pour décider de recourir à l’expert et le désigner, il convient de déterminer la ou les règles de majorité applicable à ces votes. L’article L434-3 du code du travail prévoit que les résolutions du comité sont prises « à la majorité des membres présents » ce qui conduit à faire entrer en ligne les abstentions ainsi que les votes blancs ou nuls.

La décision de recourir à un expert relevant du libre choix du comité d’entreprise, celle-ci peut en principe intervenir à tout moment, le comité pouvant de la même façon décider à tout moment de mettre fin à la mission confiée à l’expert choisi par lui. Cette liberté de choix du comité se trouve cependant limitée en pratique, en fonction de la mission confiée à l’expert-comptable.

Pour l’examen annuel des comptes, la mission de l’expert-comptable doit s’exercer avant la réunion du comité d’entreprise qui y est consacrée. Cette mission n’est pas permanente. Elle est alignée sur les prérogatives du comité qui commencent avec la communication des comptes et s’achève avec la réunion consacrée à l’examen des comptes de l’exercice. En pratique, c’est donc au cours de cette période que le comité doit décider de recourir à l’assistance d’un expert-comptable, désigner l’expert et définir sa mission.   

Ø  Moyens d’action de l’expert-comptable 

L’expert-comptable choisi par le comité peut se faire aider dans sa mission par un collaborateur. Il a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, dès lors qu’il estime que ces documents lui sont nécessaires pour remplir sa mission. L’expert-comptable et ses collaborateurs doivent pouvoir accéder librement à l’entreprise. Ils peuvent être amenés à rencontrer les membres de la délégation du personnel mais doivent limiter leurs contacts avec le personnel uniquement à ceux indispensables à la réalisation de leur mission.
Il ne peut en aucun cas déléguer à d’autres confrères la mission qui lui a été confiée par le comité d’entreprise.

Il peut donc avoir accès aux mêmes documents d’ordre économique, financier ou social que le commissaire aux comptes, lequel peut se faire communiquer toutes les pièces qu’il estime utiles : la finalité de la mission conditionne nécessairement l’étendue de l’accès aux documents. L’expert-comptable n’a pas le pouvoir d’obtenir la  communication de documents qui excèdent l’objet de sa mission.  

D’autre part, il ne peut exiger la production de documents qui n’existent pas et dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise. Il ne peut donc exiger de l’entreprise que soient réalisés pour son compte des travaux, notes, statistiques ou rapports dont l’élaboration ne s’impose pas au regard de la loi.

De plus, il ne peut consulter par exemple les carnets de chèques des associés ou des administrateurs. Une telle demande porte atteinte directe au secret et protège la vie privée de chacun.

Ø  Rémunération de l’expert comptable

L’expert est rémunéré par l’employeur. Il fixe librement le montant de ses honoraires en fonction du volume et de la qualité du travail fourni. L’employeur ne peut pas imposer de maximum. Il peut contester le montant des honoraires. Le juge compétent pour les litiges concernant la rémunération est le président du tribunal de grande instance statuant en référé.

Dans la plupart des cas, une lettre de mission est établie par l’expert-comptable avant le début de ses travaux. Le montant des honoraires indiqué dans cette lettre ne peut avoir qu’une valeur indicative. Ce n’est donc qu’après l’achèvement de la mission que peut et doit être fixé le montant précis des honoraires compte tenu notamment des travaux effectués, de leur complexité, de leur qualité, du temps passé par les divers intervenants et des taux de facturation.

Néanmoins l’employeur est en droit d’exiger un certain nombre de précisions permettant de vérifier le bien-fondé de la facture. En l’absence volontaire de toute précision de l’expert-comptable, le juge peut alors décider de calculer les honoraires de l’expert sur les bases des tarifs pratiquées par les autres cabinets d’experts-comptables.

b)   Expert en technologie


Ø  Mission de l’expert en technologie

Dans les entreprises occupant au moins 300 salariés, le comité peut avoir recours à un expert en technologie rémunéré par l’employeur à l’occasion de tout projet important concernant l’introduction de nouvelles technologies, sur la situation professionnelle des salariés, sur lequel le comité d’entreprise doit être consulté.
Il doit s’agir d’un projet élaboré et non de simples perspectives encore à l’étude, touchant un nombre important de salariés, ce qui exclut les projets à caractère ponctuel ou individuel.
Constitue un projet important le changement de matériel informatique entraînant des modifications profondes dans les méthodes de gestion de l’entreprise mais non l’utilisation dans des conditions nouvelles de techniques déjà en vigueur dans l’entreprise. 

Ø  Choix de l’expert en technologie

A la différence de la profession d’expert-comptable, l’expert en technologie n’appartient pas à une profession reconnue et organisée. C’est ainsi que le comité peut choisir toute personne compétente ; il s’agit en général d’un ingénieur-conseil, d’un ergonome, ou bien également d’un expert agréé dans un cadre professionnel donné.

Le recours à l’expert fait l’objet d’un accord entre le chef d’entreprise et la majorité des membres élus du comité.
Le comité doit donc se prononcer en premier lieu, l’employeur exprimant ensuite son accord ou son refus.
En cas de désaccord, et quel qu’en soit le motif (sur le principe de l’expertise, sur le choix de l’expert ou sur la mission), le litige est soumis au président du tribunal de grande instance saisie et statuant sur le fond du problème en la forme des référés (C. trav., art. L 434-6).

La désignation de l’expert en technologie n’est donc pas de droit, contrairement à celle de l’expert comptable du comité dans le cadre des missions légales. En refusant une telle aide, l’employeur peut faire obstacle au bon déroulement de la consultation du comité, en matière de nouvelles technologies.

Ce refus peut porter notamment sur la nécessité même de l’expertise, l’employeur contestant le fait même qu’il y ait projet technologique important ayant des effets sur l’emploi, estimant que ce projet ne rend pas nécessaire le recours à l’expert.

C’est, en pratique, le motif de refus le plus courant, alors même parfois que l’employeur n’a pas songé à éviter la consultation des membres du comité d’entreprise sur ce projet.

Le désaccord peut porter sur d’autres points que les circonstances elles-mêmes et le refus de l’employeur peut être justifié par :

-          le choix de l’expert ;
-          la date de la demande (trop précoce ou trop tardive par rapport au projet) ;
-          la rémunération de l’expert et l’étendue de sa mission.

Ø  Moyen de l’expert en technologie

L’expert dispose des éléments d’information visés à l’article L 432-2 du code du travail.
Par conséquent, l’expert en technologie ne dispose, sauf accord de l’employeur, que des documents fournis par l’employeur aux membres du comité avant la réunion relative à la consultation sur l’introduction de nouvelles technologies, ou conservés par le secrétaire ou tout autre membre du comité.
Les tribunaux ont néanmoins adopté une attitude très favorable aux comités dans la mesure où ils reconnaissent implicitement le droit des membres du CE de se faire communiquer tout documents nécessaires à leur mission.

Il a également libre accès dans l’entreprise lorsqu’il est rémunéré par l’employeur.

Pour l’essentiel, les investigations de l’expert en nouvelles technologies ne vont d’ailleurs pas reposer sur la consultation de documents écrits mais sur des investigations de terrain au sein même de l’entreprise concernée.

A contrario, si le CE fait appel à un expert en technologie, en dehors des cas prévus par la loi, l’expert désigné et rémunéré par le CE n’aura accès qu’au local du comité.


REMARQUE : Dans les entreprises de moins de 300 salariés, en cas d’introduction de nouvelles technologies, le comité ne peut faire appel qu’à un expert libre (ou contractuel) qu’il rémunère sauf accord de l’employeur.


c)   Autre expert ou expert « libre »


Ø  Mission des experts libres

En dehors de l’expert comptable et de l’expert en technologie, le comité d’entreprise peut se faire assister par d’autres experts, dits « experts libres » pour la préparation de ses travaux, ce dernier étant rémunéré par ses soins.
Le recours à cet expert donne lieu à délibération du comité d’entreprise.
L’expert choisi par le comité dispose des documents détenus par le CE. Ils a accès au local du comité et, dans des conditions définies par accord entre l’employeur et la majorité des membres élus du comité, aux autres locaux de l’entreprise. (Art. L. 434-6, al. 7)
Ainsi le CE pourra faire appel à un avocat pour lui demander une consultation sur un problème juridique.
Cette notion d’expert recouvre un grand nombre de professionnels qui peuvent être sollicités par le CE. Toutefois, il est recommandé d’agir avec précaution dans ce domaine. En effet, le coût financier de certains experts, et parfois la faible utilité des informations qu’ils peuvent apporter, doit amener le CE à s’interroger avant de faire appel à un expert.

Ø  Rémunération des experts libres

Les experts libres sont rémunérés sur la subvention de fonctionnement du comité ou sur son budget d’activités sociales et culturelles selon la nature des travaux qui leur sont demandés.
La rémunération des experts libres est contractuellement entre le comité et l’expert. Selon le caractère de la mission, le comité déterminera en accord avec l’intervenant, le montant de ses honoraires ou de ses salaires ; il n’existe malheureusement pas de barème en la matière.

Exemples

L’expert libre, par opposition à tout autre expert rémunéré par le chef d’entreprise (expert-comptable, expert en technologie) peut assister le comité d’entreprise sur tout problème ou dans toute situation qui pourrait embarrasser les représentants du personnel.
Il peut donc s’agir de préparer des réunions plénières importantes, de proposer au personnel des mesures ou des prestations sociales dans le cadre d’une politique sociale cohérente, de proposer un audit avant la mise en place ou la négociation d’un accord d’intéressement, de prévoyance…

Le tableau ci-après, issu de l’ouvrage de Jean-Marie PERETTI, montre la diversité des recours aux experts selon la taille de l’entreprise :


Ensemble
Moins de 100 salariés
100 salariés et plus
500 salariés et plus
Au moins une citation
  166  
25,5%
47
15,3%
119
34,6%
35
59,3%
Un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes de l'entreprise
  152  
23,3%
42
13,7%
110
32%
33
55,9%
Un expert-comptable pour le cadre du droit d'alerte
    37  
5,7%
13
4,2%
24
7%
7
11,9%
Un expert-comptable dans le cadre de licenciements économiques
    23  
3,5%
9
2,9%
14
4,1%
3
5,1%
Un expert en nouvelles technologies
    13  
2%
5
1,6%
8
2,3%
3
5,1%
Aucune citation
  485  
74,5%
260
84,7%
225
65,4%
24
40,7%
Ensemble
  651  
100%
307
100%
344
100%
59
100%
Source : Ressources Humaines – Jean-Marie PERETTI

3.                 Un métier en mutation


En raison de la complexification des entreprises, les acteurs du CE ont besoin de nouvelles clés de lecture pour décrypter les stratégies d’entreprise et davantage de repères pour intervenir dans la négociation. En effet, si les entreprises se sont complexifiées, les élus du CE se sont adaptés et réclament des prestations de plus en plus pointues. En moyenne, les cabinets ont triplés le nombre de leurs missions au cours des années 1980.

Les élus entrent dans le jeu des alliances pour lancer un appel d’offres en direction de cabinets spécialisés.
Par exemple, à l’UNSA, « nous procédons le plus souvent  par des appels d’offres lancés, en moyenne, auprès de trois cabinets. Nous leur soumettons les questions précises que nous souhaitons poser à la direction afin de baliser leur travail. C’est une méthode de travail pour une relation saine et responsable. »

D’autre part, les élus anticipent beaucoup plus. Selon le dirigeant du cabinet A Prime, les CE d’entreprise de bonne taille veulent anticiper les problèmes et leurs démarches se fait plus souvent par appréhension des problèmes à venir et des réorganisations probables. Ainsi, les élus cherchent de plus en plus à avoir une analyse prospective de l’entreprise et à connaître la solidité des projets à venir.
Par exemple, Thomson Vidéoglass a trouvé une solution alternative au projet de restructuration devant coûter 450 emplois en recherchant un repreneur. Les experts mandatés par le CE ont permis, d’une part, de vérifier la gravité de la situation et le sérieux du repreneur et d’autre part, de rassurer sur la solidité du projet de reprise et d’aider à la négociation des conditions de basculement.

Ceci amène les entreprises à anticiper leurs actions par une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qui leur permet de bénéficier d’une meilleure visibilité sur l’avenir. De ce fait, les élus cherchent toujours a en savoir davantage.


Les principaux cabinets experts auprès des CE


Date de création
Chiffre d'affaires (en millions d' €)
Nombre de missions/an
Effectifs
Implantations
Secafi-Alpha
1983
67
2200
750
Paris, Lille, Nantes, Toulouse, Bordeaux, Marseille, Lyon, Metz
Syndex
1971
32
2000
400
Paris (8 pôles sectoriels), Villeneuve-d'Ascq, Quimper, Rennes, Angers, La chapelle-sur-Erdre, Strasbourg, Vandoeuvre-les-Nancy, Dole, La rochelle, Clermont-Ferrand, Lyon Gradigan, Toulouse, Montpellier, Aix-en-Provence
Aprime
1990
7
NC
70
Paris, Lyon, Lille, Grenoble
Le Grand Fiduciaire
1990
5
350
40
Paris, Aulnay-sous-Bois, Lille, Marseille, Rennes, Lyon
Sextant Expertise
1996
2,7
100
24
Paris (pôles sectoriels : banque-assurance, multimédia-nouvelles technologies, services)
Ethix
2000
2,5
75
20
Paris
Sogex Acte
1985
2
150
15
Paris (pôles sectoriels : agroalimentaire et commerce)
Source : Entreprises et Carrières

Le métier de l’expert a donc changé pour répondre aux nouvelles interrogations des élus sur leur entreprise. En effet, celle-ci doit s’adapter à son environnement. Les élus le comprennent et ont besoin de prospectives. Celles-ci permettent au CE d’engager des débats contradictoires avec leur direction pour trouver des solutions alternatives ou contrecarrer leur projet.


B.           Des conseillers de plus en plus sollicités


Dans cette deuxième partie, nous allons voir que la qualité des informations transmises au CE par des conseillers multi-compétences permet la réorganisation des actions prévues par l’entreprise.


1.                 Les experts proposent des solutions alternatives


Les entreprises se réorganisent en permanence quelque soit la conjoncture. Ainsi, les cabinets d’expertise sont de plus en plus sollicités pour des missions complexes (plan de sauvegarde de l’emploi). Les élus des Comités d’Entreprise veulent être en mesure de négocier avec leur direction et éventuellement proposer des alternatives.
Les directions des entreprises sous estiment bien souvent l’apport des élus des CE dans ces projets complexes. Cependant, l’intervention de l’expert peut permettre une réorganisation du plan d’action de l’entreprise et de ce fait éviter un volet social trop lourd.

a)   Les experts permettent le dialogue social


L’intervention des experts permet de rationaliser les problèmes pris trop à cœur par les élus et de vérifier la cohérence des plans de restructuration. Ils rassurent et donnent la possibilité aux élus d’avoir des arguments contradictoires avec une meilleure approche sociale pour engager un dialogue social avec leur direction. Certains arguments peuvent générer des modifications du plan d’action.
Par exemple, MBDA, fabriquant de missiles a du mettre en place un plan de restructuration en raison d’un baisse mondiale de ses commandes. Ce plan concernait 400 licenciements.
Le regard déterminant des experts a permis de rationaliser le problème et de donner aux élus la possibilité d’engager un débat contradictoire avec la direction et de permettre le dialogue social.


b)   Les experts donnent des solutions alternatives


Lorsque le dialogue social est établi, il est possible de trouver des solutions alternatives permettant une meilleure gestion sociale. Le recours aux experts permet de déterminer ces solutions pour que les élus les proposent ensuite à la direction.
Les experts auprès des CE sont des professionnels extérieures à l’entreprise qui ne sont pas touchés émotionnellement comme peuvent l’être les élus. Ils ont donc une vision plus objective donnant la possibilité de proposer des solutions optimums.

Par exemple, la solution alternative a permis de réduire le nombre de licenciement à 270 personnes. Celle-ci consistait à optimiser l’activité de l’entreprise sur les sites, diminuer les charges et les coûts de fonctionnement. Toutes les actions proposées par les experts n’ont pas été validées mais le bilan social est beaucoup moins lourd.

2.                 Exemple de Nestlé : les experts contrecarrent le projet


Les cabinets de conseil sont de plus en plus sollicités par les comités d’entreprise afin de faire face à la direction de manière stratégique et argumentée. Celle-ci doit alors établir un véritable dialogue social sans pour autant empêcher les rapports de force.
Toutefois, non sans mal, certaines études – commerciales, financières, stratégiques ou autres – apportent des solutions auxquelles les dirigeants n’avaient pas forcément pensé. Ce fût le cas, par exemple, de Nestlé il y a quelques mois.

Mais comment les conseillers du cabinet Sogex Acte ont-ils réussis à sauver 180 salariés sur une usine de 427 personnes qui était vouée à la fermeture pour juin 2005 ?

a)   Une forte mobilisation des élus du personnel


C’est tout d’abord grâce à l’acharnement des membres du comité d’entreprise que le projet a pu voir le jour. Ceux-ci ont en effet fait appel à un cabinet de conseil afin d’établir une solution alternative au projet de direction ; qui avait optée pour la fermeture de l’usine.

En effet, c’est à la suite de l’annonce de la fermeture de l’usine Saint-Menet par la direction que le comité d’entreprise a émis son droit d’alerte et à demandé au cabinet Sogex-Acte de l’assister pour démontrer la viabilité du site.

Les éléments accumulés les dernières années notamment de nature comptables ou analytiques ont permis au comité d’entreprise de contester devant la justice les causes économiques avancées par la direction  et d’obtenir la suspension de procédure.


b)    La solution alternative


Deux experts du cabinet - tous deux économistes et spécialistes du secteur agroalimentaire -  ont rendu un rapport présentant la solution suivante : 300 des 350 emplois pouvaient être sauvés si un repreneur récupérait le site en le spécialisant dans la production de chocolat d’entrée de gamme et de café en grain moulu. Celle-ci tenait d’ailleurs compte d’une exigence de Nestlé, à savoir la conservation de ses installations de production de café soluble.

C’est grâce à la pression médiatique et judiciaire que la chambre de commerce et d’industrie de Marseille Provence s’est vu confier par le préfet le soin d’ « étudier une dernière fois les conditions d’une reprise viable ».
Cela à débouché sur un appel à reprise, mais en privilégiant l’activité chocolat et en délaissant complètement l’activité du café. Ce qui était complètement contradictoire avec l’étude du cabinet.
Toutefois, dix candidats ont manifesté leur intérêt pour le chocolat. C’est Net Cacao qui fût le finaliste.

Début novembre, l’industriel Net Cacao a présenté son projet aux syndicats qui doivent dorénavant valider le projet. De plus, Nestlé devrait acheter une partie de la production les trois premières années afin que le projet aboutisse.
Dans tous les cas, les élus demandent une annulation de la procédure de licenciement, puisqu’il s’agirait ici d’une reprise partielle des salariés de l’usine.
Par ailleurs, le comité d’entreprise demande également le lancement de nouveaux appels d’offres concernant l’activité du café qui a été délaissée par la chambre de commerce et d’industrie de Marseille Provence alors qu’elle avait été mise en avant par le rapport de Sogex-Acte.

Ici, encore, on remarque l’implication des membres du comité d’entreprise qui cherchent toujours à pérenniser le savoir faire de leur usine, mais surtout des salariés qui la composent.
Force de conviction et d’acharnement, ils ont su grâce à l’aide d’experts démontrés que la solution proposée par la direction n’était pas l’unique option et qu’il était possible d’envisager d’autres alternatives.
Grâce à cela, une partie des emplois a été sauvée, montrant bien que les restructurations devraient être abordées un peu plus avec l’aide d’experts.


            Les experts des Comités d’Entreprise apportent de nouvelles clés de lecture aux élus du CE pour des problèmes de plus en plus complexes. Celles-ci permettent aux élus :
§  de comprendre les plans d’actions des directions et leur difficultés,
§  d’engager un vrai dialogue social lors de débats contradictoires pour défendre les intérêts des salariés,
§  de trouver avec leur direction de nouvelles alternatives permettant une meilleure gestion sociale.

Cependant, en raison des multi interventions des cabinets d’expertises auprès des CE, le coût des prestations est de plus en plus élevé. Si les directions ne peuvent pas contester les missions des experts, elles peuvent choisir de ne payer qu’une partie des prestations. Certaines directions cherchent à intimider les élus en précisant que le coût des experts sera à la charge du CE et que son intervention est considérée comme une provocation.
Christian Dufour, sociologue et chercheur à l’institut de recherches économiques et sociales précise que « seulement un quart des CE, sur un total de 30000, sont consommateurs d’expertises ».

De plus, il y a un problème de confidentialité. Certains rapports rédigés par les experts se retrouvent entre les mains d’autres salariés ou dans la presse.

Le coût des prestations et la confidentialité sont des freins au recours des expertises. Quelles pourraient être les solutions permettant aux élus du CE d’avoir plus de souplesse pour recourir aux experts ?
§  Création d’une structure permettant sous certaines conditions, de bénéficier d’une aide financière.
§  Augmenter le pourcentage de la masse salariale.
§  Renforcer la législation sur le recours aux experts des CE.

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