Les cabinets d’expertise pour les Comités
d’Entreprise (CE), poussés par les évolutions législatives, se sont nettement
développés ces dernières décennies.
Les Comité d’Entreprise ont pour
mission essentielle, depuis leur création en 1945, d’associer le personnel à la
vie de l’entreprise, d’améliorer l’organisation générale de l’entreprise et les
conditions de travail dans un esprit de coordination et de consultation avec le
chef d’établissement.
Aussi, l’ordonnance du 22 février
1945 puis la loi du 16 mai 1946 ont donné la possibilité aux CE d’avoir recours
aux experts comptables pour les aider à analyser les comptes de la société.
La loi du 28 octobre 1982 a
apporté d’importantes modifications à l’institution des Comités d’Entreprise
qui ont vu leur rôle s’accroître considérablement. Les lois Auroux leurs
permettent de s’entourer d’experts comptables en cas, entre autres, de
licenciement collectif.
Depuis, ces professionnels sont
présents sur tous les fronts passant de la simple expertise comptable à
l’expertise en organisation.
En effet, le monde de
l’entreprise s’est considérablement complexifié avec les délocalisations, les
regroupements d’entreprises ou encore la mondialisation…
Ainsi, les réponses aux questions
relatives à l’économie, au droit du travail et l’analyse des comptes de la
société ne suffisent plus pour décrypter les stratégies d’entreprise. D’autres
grilles de lecture sont désormais nécessaires.
Dans une
première partie, nous définirons le cadre légal des experts auprès des CE et
les différents types d’expertises demandées, ensuite, nous montrerons que ces
conseillés sont de plus en plus sollicités mais qu’il existe des freins à leurs
expertises.
A. Les experts du CE
1. Le cadre légal
La loi a
conféré au comité d’entreprise un véritable droit de regard sur la gestion de
l’entreprise.
Mais pour qu’il puisse exercer
efficacement ses nouvelles attributions, encore fallait il le doter de moyens
correspondants. Tel est le but des dispositions du code du travail permettant
notamment au CE de recourir à l’assistance de certains experts, dans de
nombreuses circonstances.
Article L 434-6 du code de travail : Le Comité d’entreprise
peut se faire assister par des experts assujettis à la même obligation de secret et de discrétion que les membres
du comité. Ils peuvent assister aux réunions
du comité consacrées aux questions relevant de leur mission ( Cass. Crim.
25/05/1983 n° 82.92.280 ; Circ. DRT 12 du 30/11/1984).
Ainsi, le Comité d’Entreprise
peut faire appel :
- A un expert comptable
- A tout expert rémunéré par ses soins, pour la préparation de ses
travaux.
De même, dans les entreprises
employant au moins 300 salariés, le CE peut se faire assister d’un expert à
l’occasion de tout projet important d’introduction de nouvelles technologies.
Ces trois types d’expertises
permettent à des non-initiés d’avoir un avis éclairé lorsque leur sont
présentés les projets relatifs à la gestion, à l’évolution économique et
financière, à l’organisation du travail et aux techniques de production.
2. Les différents experts
a) Expert comptable
Ø Mission de l’expert comptable
La présentation, chaque année,
des comptes annuels de l’entreprise aux membres du comité d’entreprise est un
moment important.
Pourtant de nombreux comités
subissent passivement cette présentation qui prend souvent la forme d’un
passage en revue incompréhensible des comptes de résultats et des bilans.
Or, la présentation annuelle
des comptes, lorsqu’elle s’accompagne de l’assistance de l’expert-comptable est
au contraire l’occasion de rendre efficace l’intervention du comité
d’entreprise.
L’information transmise aux salariés
est fiable, contrôlée et documentée.
Cette mission d’assistance ne
fait pas double emploi avec celle du commissaire aux comptes dont le rôle est
de certifier les comptes, ni avec celle de l’expert-comptable habituel de
l’entreprise, qui n’entre généralement pas dans sa stratégie.
L’examen annuel des comptes est
prévu par les dispositions de l’article L.432-4 du Code du Travail. La loi du
28 octobre 1982 étend en effet à toutes les entreprises de plus de cinquante
salariés, quelle que soit son statut juridique, la communication de leurs
comptes annuels au comité d’entreprise.
Cette assistance peut être
mise en œuvre tant à l’occasion de la présentation des comptes qu’à l’occasion
de la mise en route d’une procédure de licenciement collectif, pour motif
économique, ou encore dans le cadre de la procédure d’alerte.
Mais aujourd’hui, les
interrogations des Comités portent le plus souvent sur le devenir de leur
entreprise. Ils ont appris que des résultats financiers satisfaisants ne
suffisent pas à garantir la pérennité et que toute entreprise comporte en soi
une source de vulnérabilité, qu’un marché peut s’effondrer, une concurrence
nouvelle apparaître subitement …
Ø La mise en œuvre de la mission
1.
inscription de la demande
d’assistance de l’expert-comptable à l’ordre du jour
d’une réunion normale du Comité
d’Entreprise ou d’une réunion exceptionnelle en
cas d’urgence.
2.
lors de la réunion, mise
aux voix de la désignation. L’expert doit être nommément
désigné en séance et dans le
procès-verbal de la réunion.
3. communication à
l’expert-comptable du procès-verbal de la réunion ou courrier du
secrétaire du Comité
d’entreprise lui confirmant sa nomination.
4.
l’expert-comptable établit
et propose à la direction une lettre de mission dans
laquelle il fixe le montant d’honoraires.
5.
acceptation des termes de
la lettre de mission ou discussion.
6.
après accord, démarrage de
la mission.
7.
au moins une réunion
préparatoire a lieu avec les membres du comité d’entreprise et une réunion
avant la présentation du rapport définitif.
Ø Désignation de l’expert comptable
L’expert désigné doit être un
expert-comptable, c’est-à-dire une personne inscrite au tableau de l’Ordre
des experts-comptables et comptables agréés. Ceci exclut donc la
désignation de tout expert ne remplissant pas cette condition, qu’il s’agisse
notamment :
-
d’un titulaire du diplôme
d’expertise comptable non inscrit au tableau de l’Ordre,
-
d’un commissaire aux comptes s’il
n’est pas en même temps expert-comptable,
-
d’un comptable agréé, même inscrit
à ce titre au tableau de l’Ordre des experts-comptables et comptables agréés,
puisqu’il n’est pas pour autant expert-comptable.
Le comité d’entreprise peut
choisir un cabinet ou une société d’expertise comptable inscrite au tableau de
l’Ordre.
L’ordonnance du 19 septembre 1945
modifiée prévoit en effet que « les droits attribués et les obligations
imposées aux membres de l’Ordre s’étendent aux sociétés reconnues par
l’Ordre ». Or, parmi les droits attribués, figure celui d’être désigné
par un comité d’entreprise pour assurer son assistance.
En pratique, la désignation par
le comité d’un cabinet ou d’une société d’expertise comptable, sans précision
de l’expert personnellement choisi est souvent de règle, compte tenu notamment
de la spécialisation de certains cabinets ou sociétés pour de telles missions.
Le comité dispose d’une grande
liberté de choix de l’expert.
Aucune restriction tenant à la
localisation géographique de l’expert n’est susceptible d’être opposée au
comité d’entreprise, même si cette liberté de choix peut comporter certaines
conséquences quant à la rémunération des frais de déplacement. Avec l’accord de
la direction de l’entreprise, la mission de l’expert-comptable peut être
scindée en deux parties, confiées à deux experts-comptables différents.
Le comité est libre de changer
d’expert à chaque mission.
La seule restriction pour la
désignation de l’expert, concerne la commission économique qui ne peut se faire
assister que par l’expert du comité d’entreprise.
La désignation de recourir
pour une mission donnée à l’assistance d’un expert-comptable, comme celle
relative au choix de l’expert, appartient au comité d’entreprise. La
désignation de l’expert n’est pas subordonnée à un vote du comité. Un tel vote
n’est nécessaire que dans le cas d’un désaccord entre les membres du comité.
En pratique le comité d’entreprise doit décider de procéder à une expertise et
désigner l’expert au cours d’une réunion du comité. La question doit être
inscrite à l’ordre du jour, et figurer au procès verbal. Le comité doit
également préciser la mission qu’il confie à l’expert.
Lorsque, à défaut d’accord
unanime des membres du comité, un ou plusieurs votes s’avèrent nécessaires pour
décider de recourir à l’expert et le désigner, il convient de déterminer la ou
les règles de majorité applicable à ces votes. L’article L434-3 du code du
travail prévoit que les résolutions du comité sont prises « à la majorité
des membres présents » ce qui conduit à faire entrer en ligne les abstentions
ainsi que les votes blancs ou nuls.
La décision de recourir à un
expert relevant du libre choix du comité d’entreprise, celle-ci peut en
principe intervenir à tout moment, le comité pouvant de la même façon décider à
tout moment de mettre fin à la mission confiée à l’expert choisi par lui. Cette
liberté de choix du comité se trouve cependant limitée en pratique, en fonction
de la mission confiée à l’expert-comptable.
Pour l’examen annuel des comptes,
la mission de l’expert-comptable doit s’exercer avant la réunion du comité
d’entreprise qui y est consacrée. Cette mission n’est pas permanente. Elle est
alignée sur les prérogatives du comité qui commencent avec la
communication des comptes et s’achève avec la réunion consacrée à l’examen des
comptes de l’exercice. En pratique, c’est donc au cours de cette période que le
comité doit décider de recourir à l’assistance d’un expert-comptable, désigner
l’expert et définir sa mission.
Ø Moyens d’action de l’expert-comptable
L’expert-comptable choisi par le
comité peut se faire aider dans sa mission par un collaborateur. Il a accès
aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, dès lors qu’il estime que
ces documents lui sont nécessaires pour remplir sa mission.
L’expert-comptable et ses collaborateurs doivent pouvoir accéder librement à
l’entreprise. Ils peuvent être amenés à rencontrer les membres de la délégation
du personnel mais doivent limiter leurs contacts avec le personnel uniquement à
ceux indispensables à la réalisation de leur mission.
Il ne peut en aucun cas
déléguer à d’autres confrères la mission qui lui a été confiée par le comité
d’entreprise.
Il peut donc avoir accès aux
mêmes documents d’ordre économique, financier ou social que le commissaire aux
comptes, lequel peut se faire communiquer toutes les pièces qu’il estime
utiles : la finalité de la mission conditionne nécessairement l’étendue
de l’accès aux documents. L’expert-comptable n’a pas le pouvoir d’obtenir
la communication de documents qui
excèdent l’objet de sa mission.
D’autre part, il ne peut
exiger la production de documents qui n’existent pas et dont l’établissement
n’est pas obligatoire pour l’entreprise. Il ne peut donc exiger de
l’entreprise que soient réalisés pour son compte des travaux, notes,
statistiques ou rapports dont l’élaboration ne s’impose pas au regard de la
loi.
De plus, il ne peut consulter par
exemple les carnets de chèques des associés ou des administrateurs. Une telle
demande porte atteinte directe au secret et protège la vie privée de chacun.
Ø Rémunération de l’expert comptable
L’expert est rémunéré par
l’employeur. Il fixe librement le montant de ses honoraires en fonction du
volume et de la qualité du travail fourni. L’employeur ne peut pas imposer de
maximum. Il peut contester le montant des honoraires. Le juge compétent pour
les litiges concernant la rémunération est le président du tribunal de grande
instance statuant en référé.
Dans la plupart des cas, une
lettre de mission est établie par l’expert-comptable avant le début de ses
travaux. Le montant des honoraires indiqué dans cette lettre ne peut avoir
qu’une valeur indicative. Ce n’est donc qu’après l’achèvement de la mission
que peut et doit être fixé le montant précis des honoraires compte tenu
notamment des travaux effectués, de leur complexité, de leur qualité, du temps
passé par les divers intervenants et des taux de facturation.
Néanmoins l’employeur est en
droit d’exiger un certain nombre de précisions permettant de vérifier le
bien-fondé de la facture. En l’absence volontaire de toute précision de
l’expert-comptable, le juge peut alors décider de calculer les honoraires de
l’expert sur les bases des tarifs pratiquées par les autres cabinets
d’experts-comptables.
b) Expert en technologie
Ø Mission de l’expert en technologie
Dans les entreprises occupant au
moins 300 salariés, le comité peut avoir recours à un expert en technologie
rémunéré par l’employeur à l’occasion de tout projet important concernant
l’introduction de nouvelles technologies, sur la situation professionnelle des salariés,
sur lequel le comité d’entreprise doit être consulté.
Il doit s’agir d’un projet
élaboré et non de simples perspectives encore à l’étude, touchant un nombre
important de salariés, ce qui exclut les projets à caractère ponctuel ou
individuel.
Constitue un projet important le
changement de matériel informatique entraînant des modifications profondes dans
les méthodes de gestion de l’entreprise mais non l’utilisation dans des
conditions nouvelles de techniques déjà en vigueur dans l’entreprise.
Ø Choix de l’expert en technologie
A la différence de la profession
d’expert-comptable, l’expert en technologie n’appartient pas à une profession
reconnue et organisée. C’est ainsi que le comité peut choisir toute personne
compétente ; il s’agit en général d’un ingénieur-conseil, d’un ergonome,
ou bien également d’un expert agréé dans un cadre professionnel donné.
Le recours à l’expert fait
l’objet d’un accord entre le chef d’entreprise et la majorité des membres élus
du comité.
Le comité doit donc se prononcer
en premier lieu, l’employeur exprimant ensuite son accord ou son refus.
En cas de désaccord, et quel
qu’en soit le motif (sur le principe de l’expertise, sur le choix de l’expert
ou sur la mission), le litige est soumis au président du tribunal de grande
instance saisie et statuant sur le fond du problème en la forme des référés (C.
trav., art. L 434-6).
La désignation de l’expert en technologie n’est donc pas
de droit, contrairement à celle de l’expert comptable du comité dans le cadre
des missions légales. En refusant une telle aide, l’employeur peut faire
obstacle au bon déroulement de la consultation du comité, en matière de
nouvelles technologies.
Ce refus peut porter notamment
sur la nécessité même de l’expertise, l’employeur contestant le fait même qu’il
y ait projet technologique important ayant des effets sur l’emploi, estimant
que ce projet ne rend pas nécessaire le recours à l’expert.
C’est, en pratique, le motif de
refus le plus courant, alors même parfois que l’employeur n’a pas songé à éviter
la consultation des membres du comité d’entreprise sur ce projet.
Le désaccord peut porter sur
d’autres points que les circonstances elles-mêmes et le refus de l’employeur
peut être justifié par :
-
le choix de l’expert ;
-
la date de la demande (trop précoce
ou trop tardive par rapport au projet) ;
-
la rémunération de l’expert
et l’étendue de sa mission.
Ø Moyen de l’expert en technologie
L’expert dispose des éléments
d’information visés à l’article L 432-2 du code du travail.
Par conséquent, l’expert en technologie
ne dispose, sauf accord de l’employeur, que des documents fournis par
l’employeur aux membres du comité avant la réunion relative à la consultation
sur l’introduction de nouvelles technologies, ou conservés par le secrétaire ou
tout autre membre du comité.
Les tribunaux ont néanmoins
adopté une attitude très favorable aux comités dans la mesure où ils
reconnaissent implicitement le droit des membres du CE de se faire communiquer
tout documents nécessaires à leur mission.
Il a également libre accès dans
l’entreprise lorsqu’il est rémunéré par l’employeur.
Pour l’essentiel, les
investigations de l’expert en nouvelles technologies ne vont d’ailleurs pas
reposer sur la consultation de documents écrits mais sur des investigations de
terrain au sein même de l’entreprise concernée.
A contrario, si le CE fait appel
à un expert en technologie, en dehors des cas prévus par la loi, l’expert
désigné et rémunéré par le CE n’aura accès qu’au local du comité.
REMARQUE : Dans les entreprises de moins de 300 salariés,
en cas d’introduction de nouvelles technologies, le comité ne peut faire appel
qu’à un expert libre (ou contractuel) qu’il rémunère sauf accord de
l’employeur.
c) Autre expert ou expert « libre »
Ø Mission des experts libres
En dehors de l’expert comptable
et de l’expert en technologie, le comité d’entreprise peut se faire assister
par d’autres experts, dits « experts libres » pour la préparation de
ses travaux, ce dernier étant rémunéré par ses soins.
Le recours à cet expert donne
lieu à délibération du comité d’entreprise.
L’expert choisi par le comité
dispose des documents détenus par le CE. Ils a accès au local du comité et,
dans des conditions définies par accord entre l’employeur et la majorité des
membres élus du comité, aux autres locaux de l’entreprise. (Art. L. 434-6, al.
7)
Ainsi le CE pourra faire appel à
un avocat pour lui demander une consultation sur un problème juridique.
Cette notion d’expert recouvre un
grand nombre de professionnels qui peuvent être sollicités par le CE.
Toutefois, il est recommandé d’agir avec précaution dans ce domaine. En effet,
le coût financier de certains experts, et parfois la faible utilité des
informations qu’ils peuvent apporter, doit amener le CE à s’interroger avant de
faire appel à un expert.
Ø Rémunération des experts libres
Les experts libres sont rémunérés
sur la subvention de fonctionnement du comité ou sur son budget d’activités
sociales et culturelles selon la nature des travaux qui leur sont demandés.
La rémunération des experts libres est contractuellement
entre le comité et l’expert. Selon le caractère de la mission, le comité
déterminera en accord avec l’intervenant, le montant de ses honoraires ou de
ses salaires ; il n’existe malheureusement pas de barème en la matière.
Exemples
L’expert libre, par opposition à
tout autre expert rémunéré par le chef d’entreprise (expert-comptable, expert
en technologie) peut assister le comité d’entreprise sur tout problème ou dans
toute situation qui pourrait embarrasser les représentants du personnel.
Il peut donc s’agir de préparer
des réunions plénières importantes, de proposer au personnel des mesures ou des
prestations sociales dans le cadre d’une politique sociale cohérente, de
proposer un audit avant la mise en place ou la négociation d’un accord d’intéressement,
de prévoyance…
Le tableau ci-après, issu de
l’ouvrage de Jean-Marie PERETTI, montre la diversité des recours aux experts
selon la taille de l’entreprise :
Ensemble
|
Moins de 100 salariés
|
100 salariés et plus
|
500 salariés et plus
|
|||||
Au moins une citation
|
166
|
25,5%
|
47
|
15,3%
|
119
|
34,6%
|
35
|
59,3%
|
Un expert-comptable pour l'examen annuel des comptes de l'entreprise
|
152
|
23,3%
|
42
|
13,7%
|
110
|
32%
|
33
|
55,9%
|
Un expert-comptable pour le cadre du droit d'alerte
|
37
|
5,7%
|
13
|
4,2%
|
24
|
7%
|
7
|
11,9%
|
Un expert-comptable dans le cadre de licenciements économiques
|
23
|
3,5%
|
9
|
2,9%
|
14
|
4,1%
|
3
|
5,1%
|
Un expert en nouvelles technologies
|
13
|
2%
|
5
|
1,6%
|
8
|
2,3%
|
3
|
5,1%
|
Aucune citation
|
485
|
74,5%
|
260
|
84,7%
|
225
|
65,4%
|
24
|
40,7%
|
Ensemble
|
651
|
100%
|
307
|
100%
|
344
|
100%
|
59
|
100%
|
Source : Ressources
Humaines – Jean-Marie PERETTI
3. Un métier en mutation
En raison de
la complexification des entreprises, les acteurs du CE ont besoin de nouvelles
clés de lecture pour décrypter les stratégies d’entreprise et davantage de
repères pour intervenir dans la négociation. En effet, si les entreprises se
sont complexifiées, les élus du CE se sont adaptés et réclament des prestations
de plus en plus pointues. En moyenne, les cabinets ont triplés le nombre de
leurs missions au cours des années 1980.
Les élus entrent dans le jeu des
alliances pour lancer un appel d’offres en direction de cabinets spécialisés.
Par exemple, à l’UNSA,
« nous procédons le plus souvent
par des appels d’offres lancés, en moyenne, auprès de trois cabinets.
Nous leur soumettons les questions précises que nous souhaitons poser à la
direction afin de baliser leur travail. C’est une méthode de travail pour une
relation saine et responsable. »
D’autre part, les élus anticipent
beaucoup plus. Selon le dirigeant du cabinet A Prime, les CE d’entreprise de
bonne taille veulent anticiper les problèmes et leurs démarches se fait plus
souvent par appréhension des problèmes à venir et des réorganisations
probables. Ainsi, les élus cherchent de plus en plus à avoir une analyse
prospective de l’entreprise et à connaître la solidité des projets à venir.
Par exemple, Thomson Vidéoglass a
trouvé une solution alternative au projet de restructuration devant coûter 450
emplois en recherchant un repreneur. Les experts mandatés par le CE ont permis,
d’une part, de vérifier la gravité de la situation et le sérieux du repreneur
et d’autre part, de rassurer sur la solidité du projet de reprise et d’aider à
la négociation des conditions de basculement.
Ceci amène les entreprises à
anticiper leurs actions par une gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences qui leur permet de bénéficier d’une meilleure visibilité sur
l’avenir. De ce fait, les élus cherchent toujours a en savoir davantage.
Les principaux cabinets
experts auprès des CE
Date de
création
|
Chiffre d'affaires (en millions d' €)
|
Nombre de
missions/an
|
Effectifs
|
Implantations
|
|
Secafi-Alpha
|
1983
|
67
|
2200
|
750
|
Paris, Lille,
Nantes, Toulouse, Bordeaux, Marseille, Lyon, Metz
|
Syndex
|
1971
|
32
|
2000
|
400
|
Paris (8 pôles
sectoriels), Villeneuve-d'Ascq, Quimper, Rennes, Angers, La
chapelle-sur-Erdre, Strasbourg, Vandoeuvre-les-Nancy, Dole, La rochelle,
Clermont-Ferrand, Lyon Gradigan, Toulouse, Montpellier, Aix-en-Provence
|
Aprime
|
1990
|
7
|
NC
|
70
|
Paris, Lyon,
Lille, Grenoble
|
Le Grand Fiduciaire
|
1990
|
5
|
350
|
40
|
Paris,
Aulnay-sous-Bois, Lille, Marseille, Rennes, Lyon
|
Sextant Expertise
|
1996
|
2,7
|
100
|
24
|
Paris (pôles
sectoriels : banque-assurance, multimédia-nouvelles technologies, services)
|
Ethix
|
2000
|
2,5
|
75
|
20
|
Paris
|
Sogex Acte
|
1985
|
2
|
150
|
15
|
Paris (pôles
sectoriels : agroalimentaire et commerce)
|
Source : Entreprises et Carrières
Le métier de
l’expert a donc changé pour répondre aux nouvelles interrogations des élus sur
leur entreprise. En effet, celle-ci doit s’adapter à son environnement. Les
élus le comprennent et ont besoin de prospectives. Celles-ci permettent au CE
d’engager des débats contradictoires avec leur direction pour trouver des
solutions alternatives ou contrecarrer leur projet.
B. Des conseillers de plus en plus sollicités
Dans cette
deuxième partie, nous allons voir que la qualité des informations transmises au
CE par des conseillers multi-compétences permet la réorganisation des actions
prévues par l’entreprise.
1. Les experts proposent des solutions alternatives
Les
entreprises se réorganisent en permanence quelque soit la conjoncture. Ainsi,
les cabinets d’expertise sont de plus en plus sollicités pour des missions
complexes (plan de sauvegarde de l’emploi). Les élus des Comités d’Entreprise
veulent être en mesure de négocier avec leur direction et éventuellement
proposer des alternatives.
Les directions des entreprises
sous estiment bien souvent l’apport des élus des CE dans ces projets complexes.
Cependant, l’intervention de l’expert peut permettre une réorganisation du plan
d’action de l’entreprise et de ce fait éviter un volet social trop lourd.
a) Les experts permettent le dialogue social
L’intervention
des experts permet de rationaliser les problèmes pris trop à cœur par les élus
et de vérifier la cohérence des plans de restructuration. Ils rassurent et
donnent la possibilité aux élus d’avoir des arguments contradictoires avec une
meilleure approche sociale pour engager un dialogue social avec leur direction.
Certains arguments peuvent générer des modifications du plan d’action.
Par exemple, MBDA, fabriquant de
missiles a du mettre en place un plan de restructuration en raison d’un baisse
mondiale de ses commandes. Ce plan concernait 400 licenciements.
Le regard déterminant des experts
a permis de rationaliser le problème et de donner aux élus la possibilité
d’engager un débat contradictoire avec la direction et de permettre le dialogue
social.
b) Les experts donnent des solutions alternatives
Lorsque le
dialogue social est établi, il est possible de trouver des solutions
alternatives permettant une meilleure gestion sociale. Le recours aux experts
permet de déterminer ces solutions pour que les élus les proposent ensuite à la
direction.
Les experts auprès des CE sont
des professionnels extérieures à l’entreprise qui ne sont pas touchés
émotionnellement comme peuvent l’être les élus. Ils ont donc une vision plus
objective donnant la possibilité de proposer des solutions optimums.
Par exemple, la solution
alternative a permis de réduire le nombre de licenciement à 270 personnes.
Celle-ci consistait à optimiser l’activité de l’entreprise sur les sites,
diminuer les charges et les coûts de fonctionnement. Toutes les actions
proposées par les experts n’ont pas été validées mais le bilan social est
beaucoup moins lourd.
2. Exemple de Nestlé : les experts contrecarrent le projet
Les cabinets
de conseil sont de plus en plus sollicités par les comités d’entreprise afin de
faire face à la direction de manière stratégique et argumentée. Celle-ci doit
alors établir un véritable dialogue social sans pour autant empêcher les
rapports de force.
Toutefois, non sans mal,
certaines études – commerciales, financières, stratégiques ou autres –
apportent des solutions auxquelles les dirigeants n’avaient pas forcément
pensé. Ce fût le cas, par exemple, de Nestlé il y a quelques mois.
Mais comment les conseillers du
cabinet Sogex Acte ont-ils réussis à sauver 180 salariés sur une usine de 427
personnes qui était vouée à la fermeture pour juin 2005 ?
a) Une forte mobilisation des élus du personnel
C’est tout
d’abord grâce à l’acharnement des membres du comité d’entreprise que le projet
a pu voir le jour. Ceux-ci ont en effet fait appel à un cabinet de conseil afin
d’établir une solution alternative au projet de direction ; qui avait
optée pour la fermeture de l’usine.
En effet, c’est à la suite de
l’annonce de la fermeture de l’usine Saint-Menet par la direction que le comité
d’entreprise a émis son droit d’alerte et à demandé au cabinet Sogex-Acte de
l’assister pour démontrer la viabilité du site.
Les éléments accumulés les
dernières années notamment de nature comptables ou analytiques ont permis au
comité d’entreprise de contester devant la justice les causes économiques
avancées par la direction et d’obtenir
la suspension de procédure.
b) La solution alternative
Deux experts
du cabinet - tous deux économistes et spécialistes du secteur agroalimentaire
- ont rendu un rapport présentant la
solution suivante : 300 des 350 emplois pouvaient être sauvés si un
repreneur récupérait le site en le spécialisant dans la production de chocolat
d’entrée de gamme et de café en grain moulu. Celle-ci tenait d’ailleurs
compte d’une exigence de Nestlé, à savoir la conservation de ses installations
de production de café soluble.
C’est grâce à la pression
médiatique et judiciaire que la chambre de commerce et d’industrie de Marseille
Provence s’est vu confier par le préfet le soin d’ « étudier une
dernière fois les conditions d’une reprise viable ».
Cela à débouché sur un appel à
reprise, mais en privilégiant l’activité chocolat et en délaissant complètement
l’activité du café. Ce qui était complètement contradictoire avec l’étude du
cabinet.
Toutefois, dix candidats ont
manifesté leur intérêt pour le chocolat. C’est Net Cacao qui fût le finaliste.
Début novembre, l’industriel Net
Cacao a présenté son projet aux syndicats qui doivent dorénavant valider le
projet. De plus, Nestlé devrait acheter une partie de la production les trois
premières années afin que le projet aboutisse.
Dans tous les cas, les élus
demandent une annulation de la procédure de licenciement, puisqu’il s’agirait
ici d’une reprise partielle des salariés de l’usine.
Par ailleurs, le comité
d’entreprise demande également le lancement de nouveaux appels d’offres
concernant l’activité du café qui a été délaissée par la chambre de commerce et
d’industrie de Marseille Provence alors qu’elle avait été mise en avant par le
rapport de Sogex-Acte.
Ici, encore, on remarque
l’implication des membres du comité d’entreprise qui cherchent toujours à
pérenniser le savoir faire de leur usine, mais surtout des salariés qui la
composent.
Force de conviction et
d’acharnement, ils ont su grâce à l’aide d’experts démontrés que la solution
proposée par la direction n’était pas l’unique option et qu’il était possible
d’envisager d’autres alternatives.
Grâce à cela, une partie des
emplois a été sauvée, montrant bien que les restructurations devraient être
abordées un peu plus avec l’aide d’experts.
Les
experts des Comités d’Entreprise apportent de nouvelles clés de lecture aux
élus du CE pour des problèmes de plus en plus complexes. Celles-ci permettent
aux élus :
§ de comprendre les plans d’actions des directions et leur
difficultés,
§ d’engager un vrai dialogue social lors de débats contradictoires
pour défendre les intérêts des salariés,
§ de trouver avec leur direction de nouvelles alternatives
permettant une meilleure gestion sociale.
Cependant, en
raison des multi interventions des cabinets d’expertises auprès des CE, le coût
des prestations est de plus en plus élevé. Si les directions ne peuvent pas
contester les missions des experts, elles peuvent choisir de ne payer qu’une
partie des prestations. Certaines directions cherchent à intimider les élus en
précisant que le coût des experts sera à la charge du CE et que son
intervention est considérée comme une provocation.
Christian Dufour, sociologue et
chercheur à l’institut de recherches économiques et sociales précise que
« seulement un quart des CE, sur un total de 30000, sont consommateurs
d’expertises ».
De plus, il y a un problème de
confidentialité. Certains rapports rédigés par les experts se retrouvent entre
les mains d’autres salariés ou dans la presse.
Le coût des
prestations et la confidentialité sont des freins au recours des expertises.
Quelles pourraient être les solutions permettant aux élus du CE d’avoir plus de
souplesse pour recourir aux experts ?
§ Création d’une structure permettant sous certaines conditions,
de bénéficier d’une aide financière.
§ Augmenter le pourcentage de la masse salariale.
§ Renforcer la législation sur le recours aux experts des CE.
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