Le mot « Compétence », n’est pas nouveau. Ce qui l’est, c’est
la notion et la place centrale qu’elle occupe aujourd’hui dans les discours et les pratiques, notamment
celles qui sont liées à l’entreprise.
La notion
apparaît au cours des années 50 dans le champ de la formation avec les
premières réflexions sur la formation professionnelle continue. Voici comment
la notion de compétence
entre dans la définition de la formation que donne, dès
1958, Raymond VATIER : « on peut dire que la formation est l’ensemble
des actions propres à maintenir l’ensemble du personnel individuellement et
collectivement au degré de compétence nécessité par l’activité de l’entreprise.
Cette compétence est la conjonction de ces trois termes : connaissances,
aptitudes, bonne volonté. Cette compétence n’est jamais définitivement acquise,
elle est menacée, elle est toujours à reconquérir et cette conquête doit se
faire parce que le poste change par suite de l’évolution technologique ».
Cette définition s’appuie sur trois registres
cognitifs : la connaissance (le savoir), la pratique (le savoir-faire) et
les attitudes (le savoir-être).
Les compétences, citées ci-dessus, s’exercent dans un
cadre, un contexte précis, elles doivent rester en action pour être efficaces
et ont un impact décisif sur la tâche, le rôle ou les responsabilités.
Dans une première partie, nous
définirons les termes savoir, savoir-faire et savoir-être dans le contexte de
l’entreprise, puis dans un second temps, nous analyserons l’interdépendance qui
existe entre ces trois notions.
I. Définition des trois dimensions de la compétence
1) Le savoir
Tout être humain détient un savoir. C’est l’ensemble des connaissances
acquises par l’apprentissage (les études) ou l’expérience. Ce savoir tend à
s’enrichir, mais il peut aussi se dégrader, et il possède surtout la précieuse
qualité d’être utilisable et communicable.
On peut dire que
le savoir est une source de pouvoir et d’enrichissement pour son détenteur. La
savoir ne prend sa pleine valeur que lorsqu’il conduit à une action.
La connaissance correspond à l'ensemble
structuré des informations assimilées et intégrées dans un cadre de référence
qui permet à l'entreprise de conduire ses activités et d'opérer dans un
contexte spécifique, en mobilisant pour ce faire des interprétations
différentes, partielles et pour partie contradictoires. La connaissance inclut
donc l'accès aux données externes, la capacité à en accuser réception pour les
transformer en des éléments d'information acceptés et pour les intégrer dans
des schémas préexistants, quitte à en faire évoluer non seulement le contenu
mais aussi la structure, chemin faisant.
Voici
quelques auteurs qui ont également donné une définition du savoir:
- Drucker
considère la connaissance comme l’unique ressource qui ait une signification
dans la perspective de la nouvelle économie qui est principalement marquée par
la dématérialisation des échanges et de la production (extrait du livre « Post-capitalist
society », 1993).
- Grant
indique que la connaissance est composée de l’information et du savoir-faire,
qu’il est détenu par les individus et non par les organisations, et qu’il est
la plus importante des ressources de l’entreprise (extrait du livre
« Toward a knowledge-based theory of the firm », 1996).
- La théorie de
la création de la connaissance développée par Nonaka et Takeuchi
considère que la fonction première de l’entreprise est de créer un avantage
concurrentiel basé sur le savoir collectif et que le rôle des managers est
d’orienter les activités de création de la connaissance. Le modèle de la
création des connaissances repose sur la distinction entre le savoir tacite
(attitudes inarticulées et croyances) et le savoir explicite (qualité de ce qui
est ouvertement communiqué).
Le savoir tacite
est enraciné dans l’action, dans les routines, dans un contexte spécifique. Le
savoir explicite est la connaissance codifiée, transmissible en un langage
formel et systématique (extrait du livre : « The knowledge creating
company : how japanese companies create the dynamics of innovation »,
1995).
2) Le savoir-faire
Le savoir-faire est définit comme une habileté à mettre en œuvre son
expérience et ses connaissances acquises dans un art ou un métier quelconque.
Cette combinaison de deux infinitifs, Savoir et Faire, allie la connaissance et
l’action, et relève de l’expérience du terrain.
Le savoir-faire
constitue un véritable actif pour chaque entreprise et fait partie intégrante
de son patrimoine, au même titre qu’un brevet ou une marque. Le savoir-faire,
également désigné sous le vocable anglo-saxon de « Know how », est
souvent sous estimé et ne bénéficie pas des protections, à commencer par le
secret devant l’entourer.
Il caractérise
l’expertise pratique acquise grâce à l’étude, la formation et l’expérience.
Mais le savoir-faire est évolutif. Il s’use par
obsolescence, il disparaît souvent avec les personnes qui le détenaient, par
des achats ou des échanges de techniques avec d’autres entreprises.
De
plus, la pratique a trait à la capacité à agir d'une façon concrète selon un
processus ou des objectifs prédéfinis. Ces savoir-faire n'excluent pas la
connaissance mais peuvent ne pas nécessiter une compréhension fondamentale des
raisons pour lesquelles les tours de main et les techniques empiriques
fonctionnent. Pourtant, lorsqu'ils sont mis en oeuvre, ces savoir-faire ont le
mérite incomparable de fonctionner et d'atteindre les objectifs recherchés. En
ce sens, les savoir-faire relèvent de l'empirique et, pour partie au moins, du
tacite.
Une autre
définition du savoir-faire à été donné par le professeur J.M. Mousseron :
« les connaissances techniques, transmissibles, non immédiatement
accessibles au public et non brevetées, et pour lesquelles quelqu’un serait
disposé à payer pour en avoir connaissance ».
Le savoir-faire
a donc quatre caractéristiques essentielles :
-
il est transmissible
-
il est secret
-
il est breveté
-
il a une valeur marchande
Le savoir-faire
peut être « transmis » ou « communiqué » en tant que tel ou
en tant qu’accessoire d’un contrat de licence portant sur un ou plusieurs
brevets. Cette communication peut se faire sous forme de documents, de
programmes d’ordinateurs, d’échanges et de stages pendant une certaine durée,
etc..
3) Le savoir-être
La notion de savoir-être se situe entre la connaissance et l’action. Son
évaluation n’est donc pas censée porter sur la personne, mais sur la capacité
d’un individu à utiliser des savoirs dans la situation de travail donnée.
Cependant la notion de savoir-être est issue de la pratique sociale et revêt
des sens différents selon les acteurs, les institutions mais aussi selon le
public auquel elle s’adresse. Cette notion est utilisée indifféremment comme
équivalent à des « compétences comportementales » ou encore à des
« savoirs comportementaux ». De même, la décomposition des
savoir-être montre que la notion peut tout aussi bien recouvrir des
« attitudes » (disposition psychologique stable, résistance au
changement, etc.) que des « comportements » (expressions, gestuelle,
prises de position, etc.).
La dimension des « attitudes » combine
elle-même différentes sous-dimensions telles que le comportement, la culture ou
l'identité mais aussi cette idée de volonté c'est-à-dire d'engagement et de
motivation.
Mais, il faut savoir que le savoir-être est un
concept difficile à évaluer et il est le moins pris en compte dans les
définitions de compétence.
II. L’interdépendance entre ces trois notions
1) Rapport entre
savoir et savoir-faire
Le savoir constitue un des
aspects primordiaux du capital immatériel pour l’entreprise. Lorsque le savoir,
qui peut se résumer dans certains cas à un savoir purement livresque s’enrichit
de la pratique, lorsqu’il s’inscrit dans le temps, il se charge d’expérience et
se traduit alors par l’apparition du savoir-faire qui lui est générateur de
profit.
Par exemple, si un informaticien connaît
un langage de programmation (savoir) et qu’on lui demande d’appliquer ce
langage dans un contexte, sa réflexion va alors s’alimenter et s’accélérer
grâce à son savoir et son expérience qu’il pourra avoir (savoir-faire).
Comme nous l’avons dit dans la
définition du savoir, celui-ci est une source de pouvoir et d’enrichissement
pour celui qui le détient. Effectivement, lorsqu’un individu détient, à un
certain moment, des connaissances supérieures à celles de la collectivité dans
laquelle il est intégré, cela pourra lui conférer une supériorité. Elle ne sera
pas que d’ordre intellectuel mais cela pourra aussi se répercuter favorablement
sur ses actions et donc améliorera son savoir-faire et lui apportera des
avantages.
A contrario, le savoir-faire et le
savoir peuvent s’enrichir au contact d’autres individus. C’est le principe
d’enrichissement mutuel des individus qui génèrent une synergie dont le
résultat est supérieur à la somme des énergies individuelles.
2) Du savoir-faire au
savoir-être
De
nos jours, le savoir-être en entreprise est un facteur clé de l’évolution
professionnelle. En effet, les
multiples changements technologiques, concurrentiels et sociologiques, poussent
les entreprises à manager autrement. En effet, outre les compétences savoir et
savoir-faire, ce sont les comportements qui font la cohésion et la performance
de l’entreprise. Ainsi, l’éthique, qui fonde ces comportements, fait partie
intégrante du management moderne. On s’attache plus au savoir-être qu’au
savoir-faire dû à un enjeu de productivité. Afin de mobiliser les énergies pour
la réussite du projet d’entreprise, il faut constamment communiquer, échanger.
Ainsi, les responsables parlent de respect mutuel, de solidarité, de
responsabilités, etc.
Le fait de s’attacher plus au
savoir-être qu’au savoir-faire permet à l’entreprise de trouver des individus
capables d’apporter au-delà de leurs compétences techniques. On peut donc
dire que le savoir-être est un complément au savoir et au savoir-faire.
Pour pouvoir manager, aujourd’hui,
il faut continuellement nourrir les savoir-faire et le savoir-être de manière à
ce que chaque individu puissent préserver son droit à l’emploi, mais aussi son
droit à l’intégration dans la société.
3) Interdépendance
entre les trois
Ce modèle montre
bien que les savoir-être englobent les savoir-faire et les savoirs ou encore
que les savoirs sont inclus dans les savoir-faire et les savoir-être.
En effet, selon
notre approche, travailler sur les savoirs permet de mettre en place les
savoir-faire et savoir-être.
Cependant, on
oublie la plupart du temps que les savoir-être ne se limitent pas au domaine
socio-affectif, mais touchent toutes les sphères d’activité humaine.
On
remarque que le savoir-faire est fragile sans la compréhension ni la
connaissance.
En
effet, par exemple, la fragilité des savoir-faire empiriques développés par les
opérateurs d'une machine sur une ligne de fabrication apparaît lorsqu'ils ne
disposent pas d'une compréhension approfondie du processus qu'ils ont appris à
maîtriser essentiellement par la pratique. Leur vulnérabilité est alors grande
face à une évolution des technologies et à un changement des machines autour
desquelles ils ont construit leur savoir-faire empirique. S'il y a peu ou pas
de savoir sans action, la fragilité des savoir-faire non associés à des
connaissances est patente.
Si on généralise cette idée aux interactions entre
chacune des dimensions de la compétence, on peut suggérer qu'il y a peu de
savoir-faire collectif sans savoir-être c'est-à-dire sans capacité à se
comporter ensemble de façon productive. De la même façon, le savoir-être est
parfaitement inopérant sans savoir-faire. Au-delà encore, la connaissance est
stérile si elle n'est pas incarnée c'est-à-dire que les savoirs ne peuvent être
à notre sens véritablement mobilisés s'ils ne s'appuient pas sur des attitudes
appropriées. Parallèlement, les savoir-être restent inutiles sans compréhension
des enjeux, des stratégies et des processus d'action, c'est-à-dire sans
connaissance.
Conclusion
Nous avons donc pu voir
qu’il existe de nombreuses définitions sur ces trois notions, et qu’il y a une
interdépendance entre elles, dans le sens que des progrès réalisés le long de
l'un des axes ne peuvent être obtenus sans effet sur les deux autres
dimensions.
La compétence résulte, donc, de la fusion de ces
trois dimensions qui sont complémentaires.
Les compétences sont des répertoires de comportements que certaines
personnes maîtrisent mieux que d’autres, ce qui les rend efficaces dans une
situation donnée.
Les compétences
représentent donc un trait d’union entre les caractéristiques individuelles et
les qualités requises pour mener à bien des missions professionnelles précises.
bonjour j'aurai aimé savoir qui vous êtes exactement (profession) et ou vous avec trouvé vos informations svp ! merci
RépondreSupprimerIl s'agit d'un document que ma fait parvenir une connaissance. La nature de cet article est-elle dérangeante ? Souhaitez-vous que je le retire ?
SupprimerNon, cet article m'a aidé beaucoup, Merci
Supprimerquelles sont vos sources?
RépondreSupprimerBonjour,
SupprimerComme sources, je peux vous indiquer :
BELLIER, S., Le savoir-être en entreprise, Ed. Vuibert, 2004, 206 p.
STROOBANTS, M., Savoir-faire et compétences au travail, Université de Bruxelles, 1993.
MARCQ, J., Compétence et organisation, SI, 2001
Merci pour ce bel article, pertinent et complet. Je me suis permis d'y faire référence dans l'article que je viens de publier sur mon blog ==> http://lavieestlarge.wordpress.com/2015/01/04/savoir-ou-savoir-etre-telle-est-la-question/ Bien à vous
RépondreSupprimerest-ce que je pourrait avoir cette info en format pdf? et les references y comprises??
RépondreSupprimersvp, je travail dans une recherche et votre article me parait tres interesant.. merci d'avance
merci bc
RépondreSupprimerCet article m'a beaucoup donné des éclaircissement sur les trois savoirs.Merci coup de chapeau.
RépondreSupprimerCet article m'a beaucoup donné des éclaircissement sur les trois savoirs.Merci coup de chapeau.
RépondreSupprimermrc bc pour cette article j'utilise comme le projet du francais
RépondreSupprimerMerci pour cette article très enrichissant. Cité en source dans mon rapport.
RépondreSupprimerBonjour j'aimerais si possible avoir deux définitions d'auteurs du savoir faire collectif
RépondreSupprimerTrès bel article qui m'a aidé à comprendre les notions de savoir faire et savoirs. A utiliser en toutes circonstances !
RépondreSupprimerTrès intéressant, Merci.
RépondreSupprimerMerci pour cet article.
RépondreSupprimerJ'ai souvent rencontré l'expression savoir Faire - faire.Qu'en est-il exactement ? Origine et contexte
RépondreSupprimerTrès intéressant et enrichissant, merci!
RépondreSupprimerc'est tres bien bon idee
RépondreSupprimerTrès enrichissant, merci!
RépondreSupprimermerci bcp car je croyais déjà savoir les savoirs
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